Ne connaissant ni l’œuvre, ni l'auteur, j'ai plongé corps et âme dans ce livre sans connaissance de son intrigue, de ses personnages et surtout de sa capacité à susciter chez le lecteur (comme moi) ce sentiment, cette sensation de plaisir au moment de lire.


Et pourtant, que j'ai eu du mal à me lancer. Et arrivé à la cinquantième page je me demandais si il n'était pas plus judicieux d'arrêter la lecture pour arrêter cet ennui. J'avais beaucoup de mal à m'adapter à ce style : les changements successifs et brefs de cadre spatio-temporel, mais surtout de point de vue. Toutes les 5-10 pages le centre d'intérêt passe d'une époque, d'un personnage à un autre. Et il y en a une kyrielle de personnage.
Au final, passer ces 50 premières pages, on s'adapte tranquillement et sûrement à ce style, on apprend à connaître ces personnages sombres et leur passé, on comprend tout de suite que tout ce petit beau monde, ce petit univers bien assemblé, est lié d'une manière ou d'une autre. L'action de quelqu'un va entraîner une réaction sur quelqu'un d'autre, une rencontre va déboucher sur un événement. Cause et effet on vous a dit.
Et tout cet amas de personnage qui rentre en collision est plongé dans le noir total. Chacun des personnages ici présenté est plus cruel et plus méphistophélique qu'un autre; et plus on avance, plus on s'enfonce dans la démence. On se dit qu'on a passé le pire, mais un autre protagoniste déboule à toute vitesse en pointant bien haut la pancarte du gars le plus dérangé (et dérangeant). Pollock manœuvre ici la tension et la cruauté comme peu d'autres savent le faire.
Il n'y a pas que ces pauvres personnages qui sont encrés dans les ténèbres, mais c'est tout cette société Américaine post-seconde guerre mondiale, souvent décrite comme forte, baignant dans les années folles où l'activité économique du pays repart à la hausse et l'activité culturelle sublime par sa qualité. Mais la-bas, dans la Virginie Occidentale imaginée par Pollock, la vie piétine et les habitants sont coincés au bar du coin ou à l'église du village. La folie s'installe et l'espoir se perd. "Le désespoir engendre les génies. Et les fous" disait Bukowski.


Passé ce final démoniaque, mais bien trop expéditif malheureusement, je referme ce bouquin en ayant la satisfaction et la joie d'avoir découvert un chef-d'oeuvre.

Créée

le 3 juil. 2019

Critique lue 101 fois

Quentin Jarry

Écrit par

Critique lue 101 fois

D'autres avis sur Le Diable, tout le temps

Le Diable, tout le temps
-IgoR-
8

The House That Burns Everyday

Comme un air de déjà-vu, rien de brusque ni de déroutant. Un bigot traîne son marmot tous les samedis au tronc à prière vénérer le bon Dieu loin des dégénérés du coin. Puis dérouille un chasseur...

le 7 nov. 2016

28 j'aime

13

Le Diable, tout le temps
Mei-mei
10

La chronique littéraire sur les radios de l'Arc jurassien

À Meade, dans l'Ohio, Willard revient de la guerre traumatisé. Il s'arrête au Wooden Spoon, un diner, où il rencontre la femme de sa vie, Charlotte, une poupée aux cheveux noirs. Des années plus...

le 14 mars 2012

14 j'aime

Le Diable, tout le temps
amandecherie
9

Critique de Le Diable, tout le temps par amandecherie

Au fin fond de l'Ohio, dans les années 60, les vies ne servent à rien. On se débat dans la crasse, la pauvreté et la bêtise, et puis on meurt. Parce qu'on a un cancer qu'aucune prière, aussi intense...

le 12 mars 2013

6 j'aime

1

Du même critique

A Thousand Suns
Simple_Kind_Of_Man
9

Un album à la puissance d'un millier de soleil

Presque 5 années ont déjà coulées depuis la sortie du 4e album, A Thousand Suns, concocté par le groupe de rock californien Linkin Park. Véritable cataclysme à sa sortie, l'album à divisé les fans du...

le 25 mai 2015

2 j'aime

Les Portes de la perception
Simple_Kind_Of_Man
4

L'éloge de la non-perception

"En 1954, sous contrôle médical et animé d'une volonté scientifique, Aldous Huxley absorbe de la mescaline, alcaloïde actif du peyotl, ce cactus indien qui procure des visions colorées accompagnées...

le 19 sept. 2019

1 j'aime

FUTU.RE
Simple_Kind_Of_Man
7

Si c'est notre futur, autant se retrouver dans le Metro

Juste après avoir lu le meilleur des mondes de Huxley et pour boucler la bibliographie romanesque de Glukhovsky, je me suis laissé tenté par le pavé ultra médiatisé et récompensé qu'est Futu.re...

le 5 juin 2019

1 j'aime