Ombres, ombres et un peu de lumières (dès fois)

Sans être complètement mauvais, Le Moyen-Âge Ombres et Lumières de Jean Verdon est un ouvrage écrit à la va-vite. On a la désagréable impression qu'il s'agit d'une compilation de tous ces livres précédents écrit dans l'unique but d'arrondir ses fins de mois. J'exagère peut-être un peu mais admettez que dire au lecteur dans le dernier chapitre "Se distraire" : "Ce chapitre est volontairement court dans la mesure où nous avons traité de ce thème dans plusieurs de nos livres". Voilà, donc si tu veux en apprendre plus sur les distractions durant la période médiévale, je t'invite à acheter mes autres livres et fissa. Expédié en 10 pages ce chapitre témoigne un peu de l'état d'esprit de l'ouvrage. Pourquoi faire un chapitre "Se distraire" si c'est pour nous donner à lire une énumération d'activités sans prendre le soin d'expliquer quoique ce soit ? Parce que Jean Verdon, aussi pointu soit-il en histoire du Moyen-Âge, ne se donne pas la peine de rendre son texte agréable à lire. Ici, il s'agit pour la plupart du temps de liste de faits et d'exemples cités à partir de sources. Les transitions, c'est pour les chiens. Les introductions et les conclusions sont expédiées en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Bref, Le Moyen-Âge Ombres et Lumières, si l'on prend la peine d'y réfléchir, est une petite compilation d'idées et de faits sur des thèmes précis et rien d'autre.


L'auteur nous propose une redécouverte de cette magnifique période en dix axes bien précis : Le cadre (la forêt, les villes), Manger, Se soigner, L'Eglise, Les faibles, Des puissants trop souvent caricaturés, Les femmes, La violence, Une intolérance "à chronologie variable" et enfin, Se distraire. Le tout tient en 328 pages donc ça va vite, Jean Verdon a au moins le mérite de ne pas assommer son lecteur inattentif avec des détails et des analyses trop complexes ou ennuyeuses. Ceci dit, tout dépendra de votre niveau sur la question et de vos motivations. À mon sens les chapitres les plus réussis sont "Le cadre", "Manger" et "Les femmes". Le reste est très mal équilibré. Sans compter les sources incompréhensibles au regard de ses arguments. Comme dit précédemment, Jean Verdon passe régulièrement du coq à l'âne (son fameux format listing très mal camouflé) ce qui rend la lecture pénible.


Enfin, l'auteur, grand spécialiste de la période médiévale, je le rappelle, se propose comme objectif louable de redorer le blason de cette merveilleuse période de l'histoire. Soit, je suis friand de ce type de démarche intellectuelle. Par contre, il manque une fois de plus le coche. Certes, Jean Verdon a opéré en moi un rééquilibrage de ce que fût le Moyen-Âge, que j'ai tendance à idéaliser, grâce à une mise en balance des légendes noires qui courent sur la période médiévale avec ces recherches scientifiques mettant en exergue dix siècles pas aussi sombres et violents qu'on ne l'imagine. Le problème vient qu'à la lecture du Moyen Age : Ombres et Lumières les préjugés sont davantage renforcés que dissipés. Échec total ! Honnêtement, vous lisez ce livre, à la fin, vous vous dîtes sans ambages, que le Moyen-Âge c'était de la merde. Dans les chapitres intitulés "La violence" et "Une intolérance", l'auteur nous décrit l'apocalypse avant l'heure. Je ne remets aucunement ses recherches en doute, je dis simplement qu'il ne fait pas le travail qu'il s'était fixé pour objectif et qu'il est en contradiction avec ce qui se dit dernièrement sur l'Inquisition ou la notion d'"Intolérance", infiniment complexe à comprendre à une époque où la "tolérance" religieuse ne faisait pas sens.


Régulièrement, Jean Verdon a quand même le bon goût de rappeler au lecteur que les clercs ou nobles sans histoire, les couples qui s'aiment, les humbles paysans qui ont vécu leur vie sans être soumis à la barbarie, aux condamnations et à toutes formes de violences ne sont jamais mentionnées dans les sources écrites, rares pour la plupart. Les personnes sans histoire, soit la grande majorité, sont rarement inscrites sur les registres cléricaux ou laïques. Si l'on assimile cela, effectivement, on peut apprécier le Moyen-Âge à sa juste valeur. C'est fondamental.


Générique mais incomplet, Jean Verdon brosse un tableau déséquilibré de la civilisation médiévale me laissant un peu dubitatif. Si l'ouvrage peut s'avérer essentiel, c'est notamment parce qu'il a le mérite de rééquilibrer le jugement des personnes qui enjolivent un peu trop le passé. Le contenu très dense et assez bien documenté (avec une belle bibliographique bien juteuse en fin de volume classique des travaux universitaires) nous renseigne sur des aspects originaux comme l'hygiène corporelle et citadine, le statut de la femme dans la famille ou encore la création des premiers hôpitaux par l'Eglise pour aider les démunis. Je recommande Le Moyen-Âge Ombres et Lumières si vous souhaitez survoler cette période en l'abordant sur des thèmes bien précis. En revanche, pour le changement de point de vue, on repassera.

silaxe
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le 26 mars 2017

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