Lu en Juillet 2020 9/10
Ô mon bon père Goriot et mon bon père Balzac comme je suis content de vous aimer. Car avant de vous aborder, une appréhension m'envahissait comme pour Flaubert  ou Racine: Aimerai-je ?
Et c'est un grand oui, qui n'est, après quelque recherches pas si étonnant, puisque j'adule Doistoievski et que celui ci s'est beaucoup inspiré de Balzac.
Déjà je pense qu'il est important de mettre les points sur les I, Le Père Goriot ce n'est pas ennuyeux. L'essence romanesque en transpire et pour comparaison, sa narration est bien plus dynamique que Madame Bovary (pour citer un livre aussi réputé ennuyeux).
Le réalisme balzacien qui n'hésite pas à « préciser de la droite ou de la gauche était la chaussette qui empuantissait le plus » a été moins présent qu'attendu. Certes, on demeure durant 50 pages dans la maison Vauquer, chaque personnage est décrit avec précision tout comme l’hôtel dont on connaît les moindres recoins. Mais finalement, Balzac donne du grain à moudre à notre imagination, il n'y a aucune description absconse ni même gratuite. Tout est utile à un ensemble, un univers total, et bien souvent raconté dans une belle prose. Cerise sur le gâteau, j'apprécie beaucoup ce Paris du XIXème. Ces pauvres qui côtoient ces mondains, ces bigots qui côtoient des athées, ces royalistes qui côtoient des anciens révolutionnaires ; la diversité est grande mais tout est fondu dans la masse de la Comédie Humaine.
Aucun personnage n'est tout blanc et si certains paraissent tout noir, c'est uniquement parce qu'ils ne sont pas décrits dans le détail, en fait tous les personnages sont gris. Mais ce n'est pas un gris triste et médiocre qui absorbe toute la joie de vivre, c'est un gris d'une immense profondeur, qui n'en finit jamais de gagner en relief.
Le père Goriot en est un excellent exemple. Vieil homme austère et idiot au début du roman, celui dont on imagine qu'il profite de sa fortune pour se payer des jeunes filles, est en fait plus proche d'un papa gâteau, jusqu'à ce qu'on se rende compte que c'est un homme malheureux, dans une grande misère sentimentale et financière qui est souvent à la limite de perdre la tête.
Rastignac en tant que jeune homme qui doit se construire est encore plus nuancé. Tiraillé entre l'argent facile, et peut-être seule voie viable, que lui propose Vautrin et l'ascension sociale grâce à l'amour véritable avec une vraie Parisienne qu'est Madame de Nucingen, il subit aussi les malheurs de l'identification à l'amour paternel du Père Goriot et le désintéressement d'une carrière banale dans le droit.

Tout ça c'est sans parler d'un Balzac qui fait un portrait réaliste mais acerbe de la société puisque Vautrin n'est pas un fou ni un vrai méchant loin de là. Serait-ce donc Poiret l'image de la bonne société ? Non, quelle tristesse, la loi de la société est la loi du plus fort, du plus facile et bas instinct et Vautrin en est l'élite « un surhomme » (drôle de retrouver ce terme 40 ans avant Nietzsche).
En conclusion, si ce n'est quelques longueurs lors de l'agonie du Père Goriot j'ai réellement dévoré ce roman. Le style de Balzac ne m'est pas apparu lourd le moins du monde et j'ai été happé par le romanesque. Si j'ai bien saisi l'aventure de Rastignac ne fait que commencer. C'est une excellente surprise et de futurs belles lectures en perspective.


« Quand on s'attaque à quelque chose dans le ciel, il faut viser Dieu ! » (Rastignac)
« L'homme n'est pas tenu d'être plus sage que tout une nation » (Vautrin)
« L'argent donne tout, même des filles » (Le père Goriot sur son lit de mort)

Créée

le 26 juil. 2020

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Arimaa_kousei

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