Ce livre qui oscille entre essai et reportage s'attache à montrer ce que la transition à l'ère industrielle a produit de pire sur les masses ouvrières en ce début de 20ᵉ siècle. Il est question ici de l'east end, considéré comme le coin le plus malfamé de Londres, au point que même les plus grandes agences de voyage de la ville ne peuvent indiquer à London la manière de s'y rendre. Hébergeant les classes populaires travaillant la plupart du temps dans les usines, ces résidents y connaissent des conditions de vie déplorables, parfois à la limite du supportable. London, qui se mue en journaliste consciencieux et au plus proche du réel, se grime volontairement en membre de ce peuple de "l'abime" pour tenter de décrire les tourments quotidiens qui accompagnent la vie de cette classe ouvrière à l'agonie.
Rien ne nous est épargné. La crise des logements, pourtant insalubres, qui poussent certaines familles à vivre entassés les uns sur les autres, la nécessité pour une bonne partie de la population de dormir dehors, alors même que cela est paradoxalement interdit, et surtout la faim. Des destins tragiques se confondent dans ces quartiers dans lesquels l'espérance de vie n'est en moyenne que de 30 ans.
Le travail d'enquête de London évolue peu à peu d'une simple constatation à plusieurs réflexions, autant économiques, morales, que philosophiques. Un pays qui laisse ses enfants mourir aux yeux de tous sur le pavé, et accepte des inégalités aussi criantes sur son propre sol est-il encore légitime à se revendiquer du progrès et de la civilisation ?
Témoignage précieux sur les conditions de vie d'une partie non négligeable des londoniens à l'époque victorienne, le peuple d'en bas met en lumière les dérives du capitalisme. Socialiste avant l'heure, le peuple d'en bas nous plonge directement dans les tréfonds de l'humanité. L'enfer, c'est bien les autres.