Le Prince
7.7
Le Prince

livre de Nicolas Machiavel (1532)

Le Prince de Machiavel m'a effroyablement déçu. Dans les facultés de droit, de sciences politiques, d'histoire et de littérature, ce manuel de parfait connard, ce recueil de correspondances, fait figure de grand classique. La vérité est que ce livre est le reflet d'un médiocre petit flatteur, d'un minable courtisan et d'un insupportable flagorneur, à la seule unique et ambition d'occuper une position de pouvoir et de conseil. Nicolas Machiavel n'est pas le génie du mal que l'on dit, il n'est pas l'ami du peuple que l'on dit, il est juste un technocrate manipulateur avant l'heure, un énarque en avance ou même un conspirateur précurseur de cabinet. Sa vie est une misérable accumulation d'échecs, et pourtant, l'homme s'échine à donner des leçons de politique, de géopolitique et d'art militaire franchement discutables, alternant le bon sens avec des préjugés éhontés. Cette oeuvre fait le bonheur des cyniques et des faux intellectuels, qui voient en Machiavel un parangon de la manipulation, alors qu'il n'est qu'un petit intriguant au niveau du caniveau. Machiavel classe d'abord les Principautés, en opposition aux Républiques, et tente de démontrer ce que doit être un bon Prince. Celui ci est calculateur, sévère et indépendant. Sans blague ? Machiavel aligne des clichés sur la virilité, sur l'armée et sur la politique qui feraient rougir les piliers de comptoir.


Que nous apprend donc Le Prince ? D'abord, il nous fait un portrait de l'Italie de la fin du XVème siècle, de ses puissances déclinantes Venise, Pise, Milan, de ses puissances grandissantes, Florence, la Papauté et des puissances étrangères comme la France et l'Espagne. Il fait également un portrait des hommes qui ont fait cette époque, et qui trouvent parfois la grâce de l'ignoble Machiavel : Alexandre VI, son fils Cesare, Louis XII, etc ... Le Prince donne donc des conseils à Laurent de Médicis pour que celui ci devienne le Maître de l'Italie. Ce qui est intéressant, c'est la découverte des causes des différentes Républiques Italiennes. En effet, la péninsule italique vivait sous le modèle politique de l'Empire : le bras temporel appartient à l'Empereur, et le bras spirituel appartient au Pape. L'Empire, pour maintenir son pouvoir, s'appuyait sur la noblesse des cités italiennes. Lors de l'effondrement de l'Empire, les Peuples se soulèvent contre leurs Nobles, et alors sont mises en place des Républiques différentes que contrôlent des grands commerçants puissants. La Papauté, elle, garde sa puissance. Mais alors dans ce XVème siècle renaissant, l'Italie fait figure d'exception, et pourtant va s'enrichir considérablement par le commerce avec le Monde Arabe. Au XVIème siècle va naître alors en Italie un concept extraordinairement important qui est l'Etat, et qui n'existait pas encore réellement. Machiavel est le symbole du conseiller d'une nouvelle organisation politique étatique particulière, comme place de pouvoir qui survit à ses titulaires. Les querelles florentines auront comme mérite d'avoir, dans l'éphémère des conspirations, éterniser le pouvoir en tant que tel. La Papauté elle-même, institution pourtant théocratique, est minée par les guerres de clan, et va devenir d'une certaine manière un Etat bien temporel.


Cependant, le lecteur ne peut pas trop se détacher de l'horrible Nicolas Machiavel : de son antisémitisme lorsqu'il se félicite du massacre des Juifs et Maures espagnols, de sa misogynie lorsqu'il raconte de quelle manière il dégobille sur une prostituée qu'il vient d'honorer, de sa lâcheté lorsqu'il est enfermé injustement pour une conspiration dont il n'aurait pas été partie et de son opportunisme lorsqu'il cherche à tout prix à prendre un poste de conseiller chez qui le veut bien. Jean-Jacques Rousseau disait que Machiavel était l'ami du Peuple, et pourtant jamais ce dernier ne parle une fois de la situation du peuple autrement que pour dire qu'il faut le manipuler. Rousseau, comme toujours, pense le contraire de la réalité et est dans l'abstrait le plus total. Evidemment, ce qui plaît; c'est le style simple et épuré de Machiavel qui écrit de manière moderne. La modernité est en fait peut-être le plus intéressant du livre parce qu'il ouvre l'époque moderne, dans sa forme et dans son fond. Pour le meilleur, et pour le pire. Finalement, à part cela, le lecteur ne comprend pas vraiment d'où vient cette fascination si française pour Le Prince, un piètre livre écrit par un piètre homme, peut-être est-ce l'attrait des origines de la modernité ? De l'Italie Florentine? Ou du reflet de la médiocrité contemporaine?

PaulStaes
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le 23 juin 2018

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Paul Staes

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