Dans ce deuxième tome de la saga La famille Pelletier, Le silence et la colère, Pierre Lemaître nous transporte en 1952, soit quatre ans après les événements du premier volet. À noter que chaque tome peut se lire indépendamment : l’auteur glisse de nombreux rappels permettant de recoller aisément les morceaux.
On entre dans ce roman comme dans de vieilles charentaises, avec facilité et confort. Les personnages restent fidèles à eux-mêmes, ce qui rassure, mais peut-être un peu trop… On perd une partie de l’effet de surprise, tout paraît presque trop familier.
Les thématiques abordées sont en revanche pertinentes et viennent gratter le vernis idéalisé des « Trente Glorieuses ». Lemaître évoque par exemple la vétusté des logements d’époque (toilettes sur le palier, absence d’eau chaude), à travers l’article provocateur « Les femmes sont-elles sales ? » inspiré de Françoise Giroud. Il met aussi en scène la montée en puissance de la presse, désormais capable d’imposer ses sujets comme l’affaire du barrage ou l’ouverture du magasin Dixie, qui évoque possiblement la création de Tati en 1952. Le roman aborde également la question brûlante de l’avortement. On oublie trop souvent que ce droit n’a qu’une cinquantaine d’années (loi Veil), et l’actualité américaine récente rappelle à quel point cet acquis reste fragile. Ici, Lemaître nous plonge dans la réalité crue des conditions de l’époque.
Mais au-delà de ces aspects sociétaux riches et bien documentés, j’ai trouvé la narration moins percutante que dans le premier tome. L’ambiance demeure sombre, mais on perd une part de légèreté et d’humour, ingrédients qui faisaient la force du volume précédent. Certes, il reste quelques respirations comme les passages sur les combats de boxe de Lucien, mais l’ensemble est plus grave et plus linéaire. L’absence de l’Indochine se fait sentir, et l’exotisme qui contribuait au charme initial laisse un vide.
Le roman se lit toujours avec plaisir, mais il reste, à mes yeux, en deçà du premier tome. Espérons que, pour conclure la trilogie, Pierre Lemaître redonne à son récit une dose d’humour digne du premier volume,