Deux bébés abandonnés dans une consigne automatique à l’été 1972 ont miraculeusement survécu. Hashi et Kiku vont grandir comme des frères dans un orphelinat. Quand leur traumatisme initial ressurgit sous forme de symptômes d’autisme ou de schizophrénie, ils vont suivre, à leur insu, une thérapie innovante, efficace à court terme mais dont la dissimulation ne sera pas sans conséquences : on leur fait écouter sous hypnose des battements de cœur pour les ramener au stade utérin.

Finalement adoptés comme deux frères jumeaux, ils grandissent sur une île isolée, s’y attachant déjà aux marginaux. Kiku devient un garçon intrépide, imbattable en course et en saut à la perche, tandis qu’Hashi est peureux et se réfugie dans un monde imaginaire.

Ils partent en grandissant à la recherche de leur identité vers les bas-fonds d’un Tokyo bien loin des images d’Épinal du Japon, une ville trash peuplée de personnages eux-mêmes exclus et déjantés.
Après s’être prostitué, Hashi devient un chanteur de rock très célèbre. Kiku rencontre Anémone, mannequin pour des pubs télé et qui élève un crocodile dans son appartement, un animal de trois mètres répondant au doux nom de Gulliver.

Mais les traumatismes ont la vie dure et s’en libérer est une épreuve longue et difficile, ... impossible ? Les deux anges déchus ont surtout envie de tout détruire, au mieux de s’arrimer à d’autres êtres abîmés. «Les bébés de la consigne automatique» forme aussi, entre poésie et manga, un regard unique et très noir sur la société japonaise contemporaine.

«Rien n’a changé depuis l’époque où on hurlait enfermés dans nos casiers de consigne, maintenant c’est une consigne de luxe, avec piscine, plantes vertes, animaux de compagnie, beautés nues, musique, et même musées, cinémas et hôpitaux psychiatriques, mais c’est toujours une boite même si elle est énorme, et on finit toujours par se heurter à un mur, même en écartant les obstacles et en suivant ses propres désirs, et si on essaie de grimper ce mur pour sauter de l’autre côté, il y a des types en train de ricaner tout en haut qui nous renvoient en bas à coups de pied.»

«Cà et là, ils croisaient des enfants jouant dans de petits terrains vagues, donnant des coups de pieds dans de vieilles boîtes de conserves, dansant en rythme sur de la musique, jouant au cerf-volant, attrapant lézards ou chauves-souris, d’autres encore tenaient de vieilles poupées dans les bras, brûlaient un cadavre de chien, ou arrachaient les pneus d’une carcasse de voiture. L’asphalte des rues avait été arraché partout.»

A classer en très bonne place dans le palmarès des livres au titre accrocheur et au contenu renversant.
MarianneL
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le 7 nov. 2012

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MarianneL

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