Cette histoire raconte la vie de plusieurs célibataires de la vieille aristocratie française, tombés dans le ruisseau. Léon de Coantré et son oncle Élie de Coëtquidan, qui vivent ensemble à Paris. Les deux larrons sont confrontés au décès de la mère de Léon, Madame de Coantré. Celle-ci jouait un rôle de protectrice pour chacun d'eux. Avant de mourir, elle a recommandé à son fils de prendre soin de son oncle Élie dont elle s'était toujours occupée jusqu'alors. En réalité, Léon ne possède rien. Malgré les conseils de son notaire Maître Lebeau, qui l'exhorte à refuser les dettes de la succession de sa mère, il décide d'assumer financièrement celles-ci. Très vite il se retrouve ruiné et doit quitter avec son oncle Élie la maison familiale. Le roman traite avec acuité et cynisme des déboires de ces deux personnages assez ridicules mais tout de même attachant par leurs défauts. Le Roman est excellent, souvent drôle, parfois tragique, la fin est notamment désespérante et noire au possible.
Mais sait-on qui était Henry De Montherlant lui même ? Un académicien aux envies licencieuses. En effet une nuit lors d’un raid spécial chasse aux jeunes garçons il aurait été éborgné par des éphèbes en mars 1968, et en aurait gardé une blessure qui le mena au suicide. (avec une certaine mise en scène) Ceci étant dit cela éclaire un petit peu son œuvre...
Le style d’écriture de Montherlant est à la fois sec et savoureux :
« les mains de M. de Coantré étaient presque calleuses, surtout à l’extrémité des doigts, toute fendillée de petites rides que la poussière incrustée rendait grisâtres : des mains de travailleurs »
« Pendant le repas, les deux messieurs déroulèrent, en paroles, la plus riche collection d’insanités qui puisse être conçue. »
Contrairement au Voyage au bout de la nuit écrit deux ans auparavant par Céline, le roman ne foisonne pas d’analyses pessimistes sur la vie, de grand déballage de tristesse accordé à la note Céline, mais il y en a parfois quelques-uns :
« Ce qui est tragique chez les anxieux, c’est qu’ils ont toujours raison de l’être. »
Et surtout le romancier se rend compte que de prime abord ces personnages sont détestables, il admet :
« il ne s’agit pas pour nous de faire des personnages sympathiques, il s’agit de les montrer tels qu’ils furent »
Amer cacochyme, dis-je, car en effet ses personnages et son histoire nous laissent un arrière-goût d’eau saumâtre, c’est l’eau du Gange, mes amis ! J’ai adoré, car ce texte est à la fois bien écrit, avec une intrigue somme toute amusante, et une pensée jamais appuyée, tout en finesse, avec de vrais bouts d’orange sanguine dedans, avis aux amateurs !
Car il est entendu chez les personnes d'une certaine classe qu'un homme qui s'assoit sur les bancs est un malheureux: de la à boire au Fontaine Wallace, il n'y a qu'un pas.