Cela fait onze années maintenant que je me suis inscrit sur un site nommé Sens Critique, où on est censé relever un peu le niveau des débats. Il sera cependant permis d'en douter en voyant fleurir, en guise de premiers retours, des 1 pavloviens de petits hystériques de la (non) pensée sur ce genre de bouquins jugés "orientés politiquement", et qui n'en ont sans aucun doute pas lu une page.
Soit des personnes visiblement dénuées de ce que le site affiche à son fronton.
J'ai sans doute acheté cet ouvrage pour de mauvaises raisons, car j'en attendais de l'enquête choc, de la révélation brûlante, ou encore le démontage en règle de la mécanique d'un parti qui a depuis longtemps renoncé à défendre la deuxième lettre de son nom.
Sur cet aspect, Les Complices du Mal s'avère quelque peu déceptif pour qui suit un peu régulièrement les tristes actualités et les frasques de ces représentants nationaux d'une médiocratie de plus en plus déplorable et embarrassante.
Le bouquin manque aussi peut-être d'un véritable fil rouge, la lecture prenant parfois l'allure d'un inventaire un peu aléatoire entre le retour en Syrie de son auteur, les sources historiques et intellectuelles d'un inquiétant intégrisme religieux et les rappels souvent écoeurants des outrances, de l'inqualifiable et de la bêtise d'un parti dont les plus tristes figures de proue repoussent avec une ardeur constante les limites du dégoût.
Car en martelant les discours de haine, en attaquant constamment la cohésion nationale, en jouant de l'importation d'un conflit pour enflammer tant la jeunesse des banlieues que le bobo de science-po quant à une Palestine fantasmée, comme celle à laquelle aspire leur égérie Rima Hassan, LFI ressemble moins à un parti d'opinions qu'à un venin coulant dans les veines d'un pays déjà chancelant. Affaiblissant un peu plus encore l'universalisme républicain en se muant en porte-voix des accointances les plus contradictoires soulignées par Souleimane.
Plus que la description des liaisons dangereuses de LFI avec les fanatismes radicaux du frérisme, c'est finalement le parallèle que tisse Omar Youssef Souleimane entre le fondamentalisme qu'il a fui en partant de Syrie et d'Arabie Saoudite et ce qui est littéralement en train de le rattraper dans le pays des Lumières qui est le plus saisissant. Relais du discours victimaire, inversion des valeurs, disqualification de la critique et de l'opposition, sémantique tout aussi désinvolte qu'instrumentalisée, rien ne semble manquer dans la boîte à outils de LFI, selon l'auteur, pour déstabiliser l'unité nationale, communautariser, stigmatiser et nourrir la haine. Au prix du reniement assumé des valeurs et des idéaux d'une gauche devenue aussi muette que soudainement surannée.
De sorte qu'en réfléchissant à la signification de cette fichue troisième lettre de l'acronyme de cette extrême gauche décomplexée, les mots se bousculent pour remplacer l'épithète « insoumise » : incendiaire, inconsciente, indécente, irresponsable ou encore indigne.
Mais on se dit, au bout du compte, qu'ils ont peut-être déjà gagné, après tout. Car après avoir facilement « infiltré » les manifestations de soutien à la Palestine sur la seule foi de son patronyme et de son apparence (bonjour l'essentialisation au passage), Omar Youssef Souleimane a été ouvertement menacé et pris à parti au cours d'un procès dont il a été l'un des témoins clé... Sans que la justice, qui avait livré son nom en pâture, n'y trouve quelque chose à redire. Fermant un peu plus encore les yeux, à l'image de cette gauche silencieuse complice de l'inexcusable. Et c'est finalement un policier, vous savez, ceux qui tuent de manière systémique, qui a finalement dû exfiltrer l'auteur par une porte dérobée du tribunal...
Cette anecdote, qui est loin d'en être une, fait souffler un vent très froid de solitude, à la réflexion. Car si ce livre se décrit comme un cri d'alerte dans sa quatrième de couv', peut-être est-il, au bout du compte, poussé trop tard pour être pleinement entendu...
Behind_the_Mask, une certaine idée de la France.