Mme Ming est dame pipi "chez les hommes" dans un grand hôtel chinois.
Eric-Emmanuel Schmitt a sans doute choisi d'affubler cette charmante dame de ce patronyme en référence à la dynastie ayant régné sur le pays du soleil levant pendant l'apogée du confucianisme.
En effet, c'est de cette doctrine dont il est prioritairement question dans ce conte philosophique léger et profond à la fois.
Léger comme le sont tous les écrits d'Eric-Emmanuel qui a le don de me faire appréicer encore plus la langue de Molière. Profond comme les maximes du philosophe antique dont il est question.
Cette courte nouvelle d'une centaine de pages se dévore en quelques heures. Elle fait partie du "Cycle de l'invisible" qui traite en six romans (deux sont encore à venir d'après l'auteur) des différentes religions et spiritualités à travers le monde et les siècles.

Madame Ming est donc employée dans un hôtel de luxe de la province de Guangdong à nettoyer les toilettes pour hommes. C'est bien car si ça avait été celles des dames ça aurait été déchoir, les hommes, ça vaut quand même mieux que les femmes, tout le monde le sait.
« L'endroit se muait en un laboratoire d'expérimentation métaphysique et morale où chaque mortel abandonnait l'illusion de la puissance »
Un homme d'affaire français vient conclure et signer des contrats dans cet hôtel. Entre deux réunions, il commence une conversation qui le fascine avec cette charmante et intriguante personne. D'une grande amabilité, ils échangent quelques banalités avant de parler de leurs vies respectives. A sa grande surprise, le narrateur apprend de la bouche de la chinoise qu'elle a eu dix enfants de son mari, qu'elle les a élevés du mieux qu'elle a pu et au fur et à mesure des échanges, découvrira le parcours de chacun des rejetons.

Là, il s'interroge sur la probité de son interlocutrice. Comment une femme peut-elle mentir avec autant d'aplomb ? Chacun sait qu'au pays de la politique de l'enfant unique, avoir dix enfants est une chose impossible. Alors pourquoi ce roman ? En est-ce vraiment un ? pmr
"La vérité, c'est juste le mensonge qui nous plait le plus" concluera Ting-Ting.
Pour le personnage masculin se pose alors la question de l'importance de la Vérité ? Est-ce réeelement une vertu ? Mais aussi celle de la condition de la femme, de sa liberté de choix d'être mère.
En y réflechissant, on se rend compte que la vérité peut être mal comprise, interprétée et qu'entre deux personnes vaut mieux le respect, la considération que la Vérité pure et simple. Dire la vérité sans autre forme de considération est égoïste et le choix de la facilité. On ne s'encombre pas des sentiments de l'aute, on ne réfléchit pas à ce qu'il ressent. La vie rêvée, celle que l'on se choisit a-t-elle moins de valeur que celle que l'on se doit de subir, supporter ?
En interrogeant la mère exceptionnelle, il la laisse expliquer les vertus éducatives, l'importance de développer la richesse intérieure et comment y parvenir.

Et si la sagesse passait parfois, voire souvent, par le mensonge ? Et si l'imagination, lorsqu'elle revêt les formes de la plus exquise des délicatesses, était le plus sûr chemin vers le bonheur ?
Rawi
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le 20 août 2014

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