Disons-le d’emblée, Baudelaire est certainement un grand auteur, je n’ai aucun doute à croire qu’il a marqué durablement la poésie, voire la littérature de manière générale, voire toute la société française, pourquoi pas. Certains des poèmes des Fleurs du Mal sont aujourd’hui encore considérés comme de véritables bijoux, quelques vers sont fabuleux, mémorables. Il suffit de prendre pratiquement n’importe quelle pièce de ce recueil, au hasard, de l’analyser, et bim, c’est travaillé, c’est subtil, c’est incroyablement riche. Mais moi j’aime pas Baudelaire.
J’aime pas Baudelaire car je trouve son style affecté. J’aime pas Baudelaire parce qu’il ne parle quasiment que du corps féminin, en bien ou en mal, souvent avec des connotations sexuelles parfois franchement grossières, et ce bien inutilement. Et quand il ne parle pas de fesse, il s’amuse à choquer le bon peuple en parlant de mort, de chair morte, d’alcoolisme, de drogue. On parle parfois de poésie de l’excès, des machins comme ça, mais là je vois pas. Besoins primaires, vulgarité, addiction, tout ça ne relève pas de l’excès, mais de l’ordinaire. La femme (souvent traitée comme un objet à mon sens qui plus est, mais passons), la mort, l’alcool, le temps qui passe, je suis pas un grand expert de la poésie mais c’est quand même des thèmes méchamment éculés, tous sont déjà largement traités à travers les époques. J’aime pas Baudelaire parce que je ne comprends pas, du coup, ce qu’il a de plus que n’importe quel poème, si ce n’est qu’il pousse le vice jusqu’à ciseler ses poèmes à un tel degré que la plupart des effets de lecture ne se dégagent qu’après 3 à 5 lectures profondément attentives.
En fait, quand je dis que j’aime pas Baudelaire, c’est un peu un mensonge : je lui reconnais des tas de mérites, c’est juste qu’il me laisse profondément indifférent. Sa poésie ne m’intéresse pas, je n’apprécie pas ses thèmes, je trouve son style beaucoup trop descriptif (ça m’énerve au possible, ça, je préfère une poésie du mouvement à ce genre de tableaux dont est friand l’ami Baubau), bref, quand je lis Baudelaire, je me dis qu’il est vraiment doué et obstiné, mais il m’ennuie.
Toutefois, j’ai apprécié certains de ses poèmes. Outre les gros classiques qu’il n’est pas nécessaire de citer, j’ai pris un plaisir tout à fait spontané et naturel à lire « Une charogne » que j’ai trouvé profondément hilarant. J’ai presque eu l’impression de lire une auto-parodie de son style, et ce genre de distanciation, de la part d’un auteur, c’est toujours appréciable, surtout que sa façon d’en rajouter trois couches c’est juste trop drôle. C’est pratiquement de l’ordre du troll, quand on y réfléchit.
Autre pièce plaisante, « L’irréparable ». Dans les deux cas, l’auteur cesse les circonlocutions nébuleuses pour dire en langage clair ce qui lui tourmente l’esprit. L’identification avec le sujet lyrique est efficace et instantanée. Sans doute peut-on dégager un second sens aux deux poèmes, mais leur gros atout est de proposer un intérêt dès la première lecture. Du coup, les lire n’apparait pas laborieux, contrairement à beaucoup d’autres pièces du recueil, et je crois que le plaisir du lecteur est une donnée importante voire primordiale dans toute forme de littérature, peut-être même en particulier dans la poésie.
Les Fleurs du Mal est le premier recueil de poésie que je lis en entier. L’expérience ne fut pas déplaisante, mais voilà, c’est juste pas ma tasse de thé, et je revendique ma subjectivité pleine et entière.
Toutefois, ce serait de la pure malhonnêteté intellectuelle que de donner à cet ouvrage une mauvaise note. D’autres personnes bien mieux informées et plus légitimes que moi reconnaissent ses vertus, et moi-même ne peux que reconnaitre les qualités de ce recueil.