Le sujet de prédilection de Jonathan Coe reste toujours l'Angleterre, d'hier et d'aujourd'hui, avec la malice, l'ironie et la lucidité qui sont siennes et rendent ses livres tellement jubilatoires. Cependant, même ses plus grands laudateurs s'accorderont pour reconnaître que Les preuves de mon innocence est un véritable tour de force, qui suscite une forme d'ébahissement. Dans son dernier opus, il s'ingénie à parodier, avec un talent majuscule, des genres aussi différents que le "Cosy Drama', la 'Dark Academia" et l'autofiction, en enchâssant ainsi trois romans en un seul. Cet exercice se style ne paraît pourtant jamais gratuit, tant il cerne avec clarté l'évolution de la société britannique, en s'attachant notamment à traquer les milieux les plus conservateurs, à travers ses dérives droitières, alimentées par une arrogance assumée et une défiance prononcée pour leurs ennemis progressistes. Avec une habileté diabolique, l'auteur plonge avec bonheur sa multitude de personnages fictifs dans une Angleterre où passe le gouvernement éphémère de Liz Truss et où la reine pousse son dernier soupir. Et si Martin Amis est souvent cité, au côté de quelques autres écrivains majeurs des décennies précédentes, c'est pour mieux introduire un auteur imaginaire et réactionnaire qui occupe une place prépondérante dans son roman. Ce mélange inventif crée les conditions d'une œuvre très politique, l'Angleterre au scanner, mais qui n'oublie jamais son caractère divertissant, assuré entre autres par des saillies humoristiques régulières, proprement irrésistibles.