Je me souviens que la première fois que j'ai lu lettre d'une inconnue, j'avais été légèrement agacé par cette passion si dingue et exubérante, qu'elle en sonnait presque faux. Le personnage de l'inconnue m'avait paru frustrant, agaçant, car en presque 20 ans de passion, elle n'a jamais pu avouer son amour à l'écrivain qu'elle aimait (et c'est bien le concept du livre). Et pourtant cette lecture avait été sauvée par le tout dernier paragraphe redonnant la parole aux pensées de l'écrivain, qui vient clore cette histoire d'une manière très amère et cohérente.
A la relecture aujourd'hui, c'est toujours assez hallucinant de voir comment Zweig réussit aussi facilement un récit simple, cohérent tournant autour d'une seule idée. Si je retiens moins de passages marquants que dans 24h dans la vie d'une femme ou le joueur d'échec , la lecture reste très fluide et agréable. Nous voyons littéralement une vie gâchée se dérouler devant nos yeux avec son grand lots de malheurs, et sa poignée de petits moments heureux. Alors, on pourra toujours lire cette petite nouvelle avec nos yeux d'aujourd'hui en se disant que le personnage de l'écrivain est un connard fini, ou que celui de l'inconnue est d'une bêtise sans nom. Mais en s'abandonnant un peu, on se retrouve nous aussi vite emporté dans cette passion folle, démesurée et irréelle. Et de sortir de cette nouvelle comme le personnage de l'écrivain avec une sorte d'impression floue d'une passion folle que nous n'avons finalement qu'entraperçu.