Vertige littéraire / Chef-d'oeuvre absolu.

"Lunar Park" n'est pas à prendre à la légère, car ce livre peut probablement changer votre vie à jamais. En tous cas, c'est ce qui s'est passé pour moi. Si on commence par le début?
Bret Easton Ellis est un sacré bougre. Je l'avais découvert par pur hasard, un été, alors que toute forme de vie semblait mourir écrasée sous des dizaines de degré Celsius. C'était à Cultura, repère des dernières personnes ayant bravées la canicule, que j'ai vu, négligemment posé sur une table, "Zombies". Je ne te raconte pas le choc que ce fut. J'en ai déjà maintes et maintes fois parlé dans mes dernières critiques d'Ellis: cet auteur me bouleverse.
On le critique en disant qu'il parle toujours de la même chose: les jeunes qui se droguent, les jeunes qui se perdent, les jeunes qui baisent, les jeunes qui meurent, etc... Mais personne n'a jamais eu les tripes de décrire avec autant de précision et de poésie minimaliste (sic) cette génération complètement perdue, qui cherche son chemin au milieu des atmosphères ouateuses et anesthésiées du Valium.


"Lunar Park", c'est le point d'orgue de l'œuvre de Bret. Le bonhomme en a fini avec ses précédents livres, que ce soit ceux relevant de la vague de Camden (Les Lois de L'Attraction, Zombies, Moins que Zéro) ou de sa littérature plus métaphorique et fictionnelle (American Psycho, Glamorama...). Bret Easton Ellis s'envole ici: son écriture est décomplexée comme jamais, c'est la première fois que l'on voit ça. Il s'exprime richement, et l'on découvre une facette extraordinaire de cet écrivain: l'écrivain qui sait faire du lyrique, qui sait mener une histoire tambour battant, qui sait vous surprendre. C'est véritablement déstabilisant, puisqu'on a réellement JAMAIS lu Ellis comme ça.


L'histoire, c'est un vaste bordel formidable. Autofiction: mélange d'élément autobiographiques mélangés sans discernement avec de la fiction. Ellis ne nous a jamais vraiment aidé avec Lunar Park, et bien heureusement: les frontières du réel sont ici indiscernables. Ce qu'il y a de sûr, c'est que son livre est un chef-d'oeuvre, et croyez-moi, je pèse mes mots. Les thèmes abordés? Des dizaines et des dizaines, avec une intelligence et une profondeur rare. Ellis intègre des éléments fantastiques, policier, et emprunte à tous les genres pour nous livrer ce livre multifacette qui semble être une réponse iridescente à tout le reste de son œuvre. La drogue, être un père, être un fils, être un écrivain, les relations à l'autre, la peur de ne pas être à la hauteur, la peur de se perdre, la peur d'écrire... Lunar Park ne cessera jamais de vous surprendre. C'est une déclaration d'amour à l'écriture, et accessoirement le chef-d'oeuvre d'un auteur au talent infini.


Alors oui, j'aurais voulu vous épargner cela, mais cela fait maintenant quelques années que je décris "Lunar Park" à mes amis comme "mon livre préféré". Parce quedepuis quelques années, c'est vrai. Le pari littéraire d'Ellis est si vertigineux et d'une maestria telle que j'ai bien du mal à vous décrire tout ça.
Ce qu'il y a de certain, c'est que les dernières pages de Lunar Park sont les plus belles que j'ai jamais lues. Je ne peux trop en parler, de peur de gâcher leur effet. Mais elles sont si riches de signification, dans le fond comme dans la forme pour notre auteur, qu'elles m'ont littéralement coupé le souffle. Sans compter le fait que même en-dehors de toute signification, elles sont d'une poésie magnifique.

Wazlib
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le 21 janv. 2017

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Wazlib

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