Il est préférable de lire "Lunar Park" après les autres offrandes de Bret Easton Ellis.
Pourquoi ? Tout simplement, car cette autofiction délirante est l'oeuvre finale de l'enfant terrible des lettres américaines. Le poing dans la gueule le plus féroce, celui dont on ne se remet pas.
Non pas que "Suite(s) impériale(s)" soit à oublier, mais c'est une suite ("Moins que zéro"), et non un roman original avec une nouvelle histoire.

"Lunar Park" n'est pas le meilleur roman d'Ellis. "American Psycho" et "Les Lois de l'Attraction" sont supérieurs bien que le sujet abordé ne soit pas du tout le même (quoique...). Pourtant, le niveau est - encore une fois - particulièrement élevé. On retrouve le style d'écriture propre à Ellis : simple, tranchant, cynique, efficace, direct... Nous sommes en terrain connu.

Ce qui différencie "Lunar Park" des autres œuvres de Bret Easton Ellis, c'est son audace. Le bougre nous emmène avec lui dans un voyage paranoïaque (déjà bien entamée avec l'excellent et audacieux "Glamorama"), noir et terriblement profond. Cette profondeur est d'ailleurs dû à son personnage principal : Bret himself ! Bon, non pas vraiment comme on le découvrira au fil du roman. Pourtant, il s'amuse à brouiller les pistes : où s'arrête le rêve et la réalité ? Est-ce vraiment lui, ou son personnage inventé portant le même nom et ayant (sans doute) les mêmes doutes, peurs et désires ?

Ellis donne d'ailleurs l'impression d'exorciser toutes ses douleurs, ses angoisses. L'écrivain se déshabille, se met à nu, évacuant ses remords, ses secrets enfouis à travers son alter-égo romanesque. Se réconcilier avec le passé, voilà peut-être le but de cette autofiction.
Ce qui est amusant et très jouissif, c'est que, dans la réalité, il n'a ni femme, ni enfants alors que dans "Lunar Park", c'est l'inverse. Et attention, on en prend plein les yeux entre des dialogues à la fois savoureux et emprunts de mélancolie/tristesse et des scènes à mourir de rire (ou de peur). Car oui, "Lunar Park" pousse la terreur paranoïaque à son paroxysme. Saloperie de peluche ! Certains passages, à la limite de la schizophrénie sont d'une force intense. On retrouve quelques références très sympathiques à ses anciens romans (le premier chapitre est dantesque, quelle ouverture !). Et guess what ? Patrick Bateman is back ! Si ça ne donne pas envie, je n'y comprends rien.

Ce sixième roman est un défi littéraire relevé avec brio. Il est difficile de faire un résumé ou même de détailler le roman tellement ce dernier est riche et détonnant. Ce que je garde principalement ? Des réflexions très intéressantes (sur la famille en particulier), une subtilité à toute épreuve (haha) et une perfection quasiment touchée.
Encore une fois (c'est une habitude), Bret Easton Ellis signe une oeuvre exquise, qui restera dans les annales. Dans les miennes, c'est déjà sûr !
Nikki
9
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le 15 janv. 2014

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