Lunar Park
7.4
Lunar Park

livre de Bret Easton Ellis (2005)

Tout comme Palahniuk, Bret Easton Ellis a parfois une fâcheuse tendance à se répéter. Les gens veulent du Ellis, point barre, en somme du cul, de la coke et une description acerbe de la vacuité de la jeunesse dorée américaine. Après un Glamorama dense, fouillis, il revient en 2005 avec cet étrange roman qui détourne les codes de l'autobiographie.

A vrai dire, tout commence comme du Ellis classique. Finalement, à la lire, on a parfois l'impression qu'il n'est pas loin des personnages qu'il décrit depuis les années quatre-vingt. On y suit donc Bret depuis le succès de Moins que Zéro jusqu'à son mariage, le tout dans un style toujours aussi délicieux, sobre et pas délicat pour un sou. On découvre ses enfants, sa vie de professeur à l'université, et puis l'apparition d'un mystérieux personnage... En la personne de Patrick Bateman, le serial-killer d'American Psycho ! L'auteur semble obsédé par cette figure démoniaque, qui assiste à ses cours, le suit en voiture, s'amuse à le harceler... Un policier l'informe ensuite qu'un taré démoniaque, habillé en Pat Bateman, s'amuse à reproduire les crimes de son best-seller...

Le plus fort réside clairement dans l'introduction du fantastique, peu à peu, dans la vie de l'auteur, de manière presque imperceptible au départ. On se prend au jeu, on frissonne avec Bret, on ne comprend pas. Le malaise est palpable, et Bret se retrouve vite seul, rejeté. Le dernier tiers du livre, étouffant, pathétique pour l'auteur qui sombre dans la folie et reste incompris de ses pairs, s'avère presque lovecraftien dans les termes abordés et dans la description de cette horreur innommable, indescriptible. Certains trouveront peut-être ça grotesque.

Autofiction (Ellis n'a ni femme ni enfants) remarquable, roman policier, fantastique, Lunar Park est aussi une sévère critique de la société actuelle, du manque de communication entre les générations et de la déliquescence progressive de l'éducation, du mode de vie consumériste fondée sur le culte de l'apparence (thèmes habituels chez l'auteur).

Pour autant, ce drôle de mélange n'est jamais indigeste. Brillant, mystérieux (comment démêler le vrai du faux ?), indispensable.
LeChiendeSinope
9
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le 6 oct. 2010

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LeChiendeSinope

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