James Frey livre ici bien plus qu’un témoignage : c’est un hurlement venu du fond de la gorge des tox, des fracassé·es, des foutu·es. Celles et ceux qu’on regarde à peine, qu’on parque dans des services sous-dotés, et qu’on enterre vivants dans les statistiques.
Le roman suit son alter ego, James, 23 ans, inconscient dans un avion, la gueule broyée, le corps détruit par l’alcool et le crack. Il est envoyé dans un centre de désintoxication huppé mais brutal, sorte de clinique à l’américaine où l’on croise toutes les classes sociales, mais surtout les naufragé·es du système.
Là-bas, il rencontre Leonard, un mafieux tendre comme un père qu’on n’a jamais eu, Miles, un musicien déchu rongé par le manque, et Lilly, une jeune femme à vif, aussi lumineuse que fragile. Ensemble, iels composent une constellation de cassé·es magnifiques, qui s’agrippent les un·es aux autres pour ne pas couler.
L’institut devient un huis clos d’urgence et de réparation : un espace de soin, de tension, de rechutes et de liens bruts, où l’amour, la honte, la rage et la fraternité se disputent chaque souffle.
Et derrière chaque page, un cri politique :
- Pourquoi consacre-t-on des milliards à l’armement, à la police, aux prisons, alors qu’on laisse cramer les HSA, les CMP, les lieux de repos et de soin ?
- Pourquoi criminaliser celles et ceux qui souffrent, plutôt que leur tendre la main ?
Frey ne demande pas la pitié, il exige qu’on regarde.
⚠️Petit hic à noter : le livre a défrayé la chronique après son succès planétaire, quand on a découvert que plusieurs éléments avaient été largement romancés (notamment ses démêlés judiciaires). Oprah Winfrey, qui l’avait adoubé dans son club de lecture, l’a publiquement recadré. Mais même si l’authenticité “factuelle” est floue, l’intensité émotionnelle et politique reste intacte. Car ce qui compte ici, c’est la vérité du vécu, pas l’exactitude d’un casier.
Conclusion : Bouleversant. Nécessaire. Radical. Un livre qui te défonce le cœur pour mieux te rappeler que la dignité, le soin et la tendresse sont des luttes. Et qu’on n’en sort pas seul.