La fureur des dieux
La plupart des pièces d'Eschyle qui nous sont restées sont avant tout des complaintes, des lamentations, fait cohérent avec les probables origines funèbres du théâtre (couplées à la dithyrambe...
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le 23 déc. 2019
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Vénéré sur le même autel qu'Héphaïstos à Athènes, Prométhée incarne deux mythes diamétralement différents : celui d'Eschyle d'une part, présenté comme le Titan martyre ayant donné le feu et les arts à l'humanité. Celui d'Hésiode d'autre part, présenté dans la Théogonie et les Travaux et les Jours sous un jour rusé et dont le travail fut la punition pour l'humanité suite à sa tromperie envers Zeus. Pourquoi une telle différence de traitement ? Dans la même logique, on pourrait être amené à se demander pourquoi Eschyle, qui nous a pourtant toujours présenté un Zeus providentiel dans ses précédentes tragédies, dépeint ici le portrait d'un tyran capricieux, ingrat envers celui qui l'a servi contre les Titans par le passé. Ce serait oublié qu'au temps des tragiques, les mythes pouvaient être arrangés par leurs auteurs, expliquant pourquoi ici, les dieux se comportent comme des hommes face à un Prométhée qui aurait presque quelque chose de Christique, de la croix à la roche, pour le lecteur d'aujourd'hui.
Je ne changerais pas mon malheur, le sais-tu bien, contre ta servitude. Je crois qu'il vaut mieux être asservi à la roche que messager fidèle du père Zeus. Voilà comme on doit outrager les outrageurs.
Les hommes, parlons-en justement. Absents de la tragédie, ce sont cependant bel et bien eux dont le sort est en jeu. Mais sont-ils en réalité tant absents que ça ? Pouvoir est une brute, Hermès une sorte de valet, Océan un opportuniste. Comme souvent chez les grecs, et c'est le cas ici, les dieux du Prométhée enchaîné se conduisent comme des hommes, et seul le personnage éponyme les domine par sa fierté et son mépris, mais aussi par son amour de l'humanité. Prêt à subir une sorte de solitude éternelle, endurer les pires souffrances suite à son insoumission, il incarne une sorte de proto-homme-révolté voyant dans son acte une revendication de justice universelle.
Je les sais les messages qu'il nous corne. Subir la haine de qui nous hait n'est pas indigne. Que sur moi donc se rue la vrille de la foudre bifide. Que l'air soit secoué de tonnerre et de la convulsion des vents sauvages. Que le souffle ébranle le sol à la racine de ses fondements. Que les flots de la mer avec leur bruit rauque embourbent les célestes parcours des astres. Qu'au fond du noir Tartare il jette mon corps dans les solides tourbillons de la fatalité. Il ne me fera pas mourir.
Prométhée ne domine toutefois pas ses bourreaux uniquement d'un point de vue moral puisque ayant donné le feu aux hommes, il est aussi présenté comme étant l'inventeur de tous les arts face à un Zeus destructeur. Au détour d'une pièce, le Titan est devenu Dieu et le Dieu devenu Titan : le premier continue ainsi de croire en l'intelligence, assume sa ruse, sa supériorité intellectuelle, là où la colère du maître de l'Olympe n'est pas sans rappeler ceux qu'il a combattus par le passé, ne jure plus que par la force.
Comme souvent chez Eschyle, seul un texte de la trilogie est arrivé jusqu'à nous. Nous savons cependant que Prométhée enchaîné était suivi de la Délivrance de Prométhée, puis du Prométhée Porte-Feu. Sans doute cette dernière se terminait par l'intronisation de Prométhée comme dieu des artisans d'Athènes.
Les tragédies d'Eschyle ont l'avantage d'avoir relativement bien vieilli, c'est encore plus le cas avec le Prométhée enchaîné dont on ne peut que regretter la perte des deux volets suivants de la trilogie, tant l'œuvre témoigne d’une modernité rare : celle d’un auteur qui, il y a vingt-cinq siècles déjà, interrogeait la légitimité du pouvoir et la valeur de la désobéissance. Sans nul doute l'une des meilleures pièces de son auteur qui soit parvenu jusqu'à nous.
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hier
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La plupart des pièces d'Eschyle qui nous sont restées sont avant tout des complaintes, des lamentations, fait cohérent avec les probables origines funèbres du théâtre (couplées à la dithyrambe...
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le 23 déc. 2019
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Vénéré sur le même autel qu'Héphaïstos à Athènes, Prométhée incarne deux mythes diamétralement différents : celui d'Eschyle d'une part, présenté comme le Titan martyre ayant donné le feu et les arts...
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Pour avoir partagé le feu des dieux avec les humains, pour leur avoir enseigné les arts et les techniques, Prométhée est enchainé à un rocher, condamné à une éternité d'attente. Le titan est puni...
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le 6 avr. 2024
1 j'aime
livre qui serre a rien car je métrise déja bien la lange de moliaire, je le conseille néant moin a ceu qui on dé probléme pour ét crire.
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le 22 mai 2013
20 j'aime
10
Cette critique porte sur les trois premières saisons et partiellement sur la quatrième (vu en avance très rapide et en moins d'une demi-heure). Je déteste cette série ! Mais à un point où je crois...
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le 22 mars 2020
15 j'aime
6
Clairement moins bon que Arkham Asylum, tu auras beau foutre un environnement ouvert dans ton jeu, si c'est pour se taper 25 mille allers-retours ça n'a strictement aucun intérêt. Pareil pour les...
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le 28 janv. 2014
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