Sur une vieille route défoncée – et abandonnée – une voiture roule à vive allure. Elle dérape, saute, freine et accélère tour à tour quand, soudain, elle quitte la route, bascule dans le vide et termine sa course au milieu d’un cours d’eau. Le conducteur – le sénateur Gérald Fergusson parvient rapidement à s’extraire de l’habitacle tandis que sa jeune passagère - Kelly Kelleher – reste coincée à l’intérieur du véhicule qui s’enfonce inexorablement. Tandis que l’eau monte et que Kelly lutte pour respirer dans une bulle d’air qui se rétrécie toujours un peu plus, elle voit sa vie défiler sous ses yeux.
Issue d’un milieu aisé. Fille d’un homme d’affaire qui participe activement aux campagnes politiques du parti républicain. Ses brillantes études politiques à l’Université (son mémoire portait - oh ironie du sort – sur le sénateur Fergusson). Ses amies. Son dernier amant (G.) dont elle s’est récemment séparée. Cette invitation de sa meilleure amie (Buffy) à venir passer le week-end du 4 juillet dans une île du Maine. Et le sénateur, invité lui aussi sans qu’on attende réellement sa venue. Mais qui débarque tout de même au milieu de la fête. La balade qu’elle fit à ses côtés sur la plage toute proche. L’attirance qu’elle éprouve pour cet homme bien plus âgé qu’elle. Le baiser qu’ils ont échangé deux heures à peine après avoir été présenté. Cette voiture dans laquelle elle monta pour attraper le ferry et regagner le continent. Cette route abandonnée dans laquelle ils s’engagèrent par erreur. L’alcool dont le sénateur s’est enivré. La vitesse excessive. L’eau qui monte. Et le sénateur qui va revenir la sauver, elle en est sûre – car il ne peut en être autrement.
Dans ce court roman particulièrement efficace et inspiré d’un fait réel, Joyce Carol Oates multiplie les allers-retours entre le présent et les évocations du passé, décrit plusieurs fois des scènes identiques en les agrémentant chaque fois de détails supplémentaires. Et martèle un leitmotiv : « Pas maintenant. Pas comme ça ». Un rêve américain qui vire au cauchemar. Jusqu’au dernier souffle expiré à la dernière ligne.
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le 25 janv. 2013

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