Le livre m’avait été vanté comme un pamphlet féministe ultraradical et une référence de ce mouvement politique. Je n’en savais pas plus lorsque je l’ai acheté, et, étant intéressé à la fois par le débat public et la violence verbale, je me suis lancé dans sa lecture. Au bout de quelques pages, aussi faciles qu’outrancières, je me suis arrêté en me posant deux questions : qu’est-ce que c’est que ce livre, et qui est cette femme ?

Je m’étais imaginé qu’il s’agissait d’un manifeste datant du début des années 2000, un truc faussement transgressif que j’avais mentalement rangé à côté de Virginie Despentes, mais en réalité je n’en savais rien. Lecture interrompue, je suis allé sur Wikipédia pour consulter la biographie de l’autrice, puis j’ai lu les deux préfaces incluses avec le manifeste afin d’avoir quelques éléments de contexte. J’ai alors découvert que le livre avait été écrit dans les années 60. Valerie Solanas était une femme dotée d’une fibre artistique, d’opinions tranchées et d’une existence marginale. À New York, elle croise Andy Warhol, probablement le mec le moins fou de la planète, qui, en la voyant, se dit qu’il y a probablement quelque chose à exploiter. Ce qu’il fera en la faisant tourner dans un porno après lui avoir certainement promis monts et merveilles, avant de la jeter comme une vieille chaussette. Mais la miss reviendra pour lui faire la peau (tentative ratée), avant d’être internée dans un hôpital psychiatrique. Warhol déclarera : « Valerie Solanas est une catastrophe », ce qui me paraît être une excellente définition du personnage.

Voilà qui explique bien des choses, car, très clairement, derrière un style provocateur et amusant, on sent qu’on est dans la psychiatrie : il s’agit d’exterminer les hommes (les travestis pourront être épargnés, car ils ne représentent pas une menace).

Alors, piège : est-ce parce que je suis un homme que je serais tenté de reléguer ce texte à la folie furieuse plutôt que de me remettre en question ? Non. Virginie Despentes a une vision des choses intéressante, Ovidie aussi. Elle, c’est juste une folle. Non pas parce qu’elle veut exterminer les hommes mais parce que l’ouvrage suinte la folie, de par ses répétitions, sa pensée magique et son point de vue autocentré. J’imagine bien Valérie, vivant dans un squat et, après une journée de dur labeur, passant le reste de son temps à taper furieusement sur sa machine à écrire en invectivant ses « colocataires » qui écoutaient poliment ces élucubrations au début avant de carrément l’ignorer.

En conclusion, la lecture n’est pas désagréable. Le texte, même s’il contient des répétitions et qu’il est un peu confus, est assez court pour que cela ne gêne pas. Et le fait que ce livre soit devenu un ouvrage de référence éclaire le débat public et permet également de relativiser l’opinion de ceux qui l’auraient pris au sérieux.


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le 6 nov. 2025

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