Après son Goncourt, Pierre Lemaitre aurait pu prendre son temps et écrire un pavé qui aurait montré, s'il en était besoin, l'étendue de son talent et sa maîtrise de plusieurs genres littéraires. Trois jours et une vie étonne donc par la "modestie" de son sujet : le crime d'un gosse de 12 ans et l'attente du châtiment. Mais le romancier transcende son intrigue par une vision très détaillée et aboutie de l'atmosphère d'un petit village en lisière de forêt où tout le monde se connait : animosité entre voisins, chômage, jeunes avides de partir, boucs émissaires ... Nous ne sommes pas très loin de Simenon. Mais Lemaitre nous fait surtout ressentir toutes les émotions et la culpabilité de son jeune héros, sans nous le rendre forcément sympathique, aux prises avec une situation qui le dépasse. L'on craint que le livre ne s'essouffle vite mais l'auteur, en avançant deux fois dans le temps, étoffe encore son intrigue sans ménager de rebondissements époustouflants mais dans une continuité crédible des événements jusqu'à un remarquable dénouement dans le suivi logique d'un roman dominé de la première à la dernière page. Avec ce sentiment, déjà présent dans Au revoir là-haut, que les frontières entre le bien et le mal sont bien plus poreuses que l'on veut bien le dire.