Il faut assumer ses partis pris

Un Secret est un roman qui a franchement très peu de qualités littéraires, on sent que Grimbert est avant tout un psychanalyste qui avait besoin d'appliquer ses connaissances à sa vie mais qu'il a assez peu de clés pour rendre tout ça passionnant. Il n'y a aucune musicalité dans l'écriture, aucun ton particulier, aucun choix marquant dans le style.

Pourtant, la promesse initiale n'est pas mauvaise, prendre le point de vue de soi enfant pour essayer de comprendre la construction de son identité à mesure qu'on apprend les secrets familiaux et son héritage culturel. Mais cette promesse n'est absolument pas aboutie et abandonnée bien trop tôt. L'architecture du roman est extrêmement décevante, on a un petit choc quand sont révélés pour la première fois les gros éléments constituant la trame... Mais une fois qu'on a compris de quoi relève le livre, on a absolument tout saisi, et toute la deuxième moitié du bouquin n'est qu'une exposition neutre et plate des faits qu'on était censés avoir intégrés et qui brise alors tous les non-dits qui pouvaient hanter le lecteur.

Pire, les passages où le passé est exposé n'ont aucun sens, ils sont censés être racontés du point de vue de l'enfant (en témoigne les croyances naïves qui laissent place à une compréhension plus exacte des évènements, et certaines phrases à la première personne), sauf qu'on ne ressent jamais ce point de vue dans l'écriture et que les récits sont remplis d'éléments que le gamin n'est absolument pas censé savoir par les récits de Louise, ni même pouvoir imaginer. C'est complètement incohérent dans le point de vue adopté, la singularité artistique n'est jamais assumée et ces longs passages explicatifs ne savent jamais s'ils s'inscrivent dans la continuité ou s'ils forment une vraie rupture dans la narration.

Même les éléments psychanalytiques sont faiblards, on a quelques détails intéressants dans la caractérisation de l'enfant, dont la fragilité physique pourrait être liée à cette relation presque impure et interdite entre les parents, à cette histoire qui n'aurait pas du être. Mais au-delà de ça, la dimension psychologique du livre est relativement faible pour quelqu'un qui semblait pourtant utiliser ce livre comme exutoire et recul sur sa vie. Une fois qu'on comprend la vérité et comment ça a pu forger la vie de Grimbert, tout est plat et monotone jusqu'à une fin qui se fait franchement désirer.

J'aurais clairement préféré que le roman s'arrête à la moitié et que toutes ces explications logiques soient laissées à l'imaginaire du lecteur. Ça ne serait toujours pas très bien écrit, mais la structure aurait été assumée et aurait pu être un minimum louée.