Entre drame et comédie : au coeur du surréalisme ?

Il y a, à mon sens, deux grandes parties dans Victor ou Les Enfants au pouvoir : une première partie truculente, brillante, délicieusement inventive et cruelle ; une seconde partie plus grave, plus sombre, plus tragique - qui passe plus lentement aussi, qui ne résiste pas sur la durée je crois.

Cette pièce, un peu oubliée de nos jours (mais pas reléguée dans le grenier j'espère, comme ma liste voudrait le faire croire ?), est très certainement une des plus grandes pièces du théâtre surréaliste. Dans le surréalisme, on connaît une sorte de roman, avec Nadja de Breton - on connaît de la poésie, une foultitude de poésie surréaliste ou à tendance surréaliste même, avec Breton, Eluard, Desnos... Mais du théâtre ? Il y a les succulentes Mamelles de Tirésias d'Apollinaire, mais je crois que, pire que Vitrac, cette pièce absolument fascinante est tombée en désuétude. Dommage.

Pourtant, bien qu'elle traîne un peu sur la fin, Victor mérite d'être lue - vue ? Pour de nombreuses raisons : c'est du surréalisme, dans le digne héritage de Jarry, donc c'est à la fois incongru (absurde ?) et drôle ; c'est une satire violente de la société bourgeoise et de ses moeurs ; c'est intelligent ; c'est d'une originalité à toute épreuve.
Pour résumer l'intrigue et vous donner envie (surtout que ça se mange sans faim) : c'est l'histoire de Victor, qui a neuf ans et qui mesure deux mètres, qui est adulte dans sa tête et qui veut mourir pour ne pas devenir aussi bête que ses parents - car Victor est, je cite, "terriblement intelligent" - et il le sait.

Je sais bien que j'ai tendance à le dire souvent - mais que voulez-vous, est-ce ma faute si la littérature française de qualité est abondante, et pardon pour ce petit instant de chauvinisme de mauvais goût -, mais je pense que c'est une oeuvre qu'il faut lire, ou au moins dont il faut connaître l'existence. Mais si vous cherchez quelque chose d'encore plus drôle et extrême, dans le théâtre surréaliste - moins réfléchi et profond cependant, on est plus dans le "wtf" -, lisez Les Mamelles de Tirésias, ça vaut le coup, cf. ma critique.