Agonie sur cassettes

Critique de la saison 1 uniquement

Bienvenue au lycée Liberty où la médiocrité enseignante et administrative se double d’une violence adolescente ressentie au quotidien : discriminations en tout genre, garçons obsédés par leur bas-ventre et peu soucieux du respect de l’autre, troubles sexuels, solidarités et rivalités inhérentes aux groupes sportifs, insultes inscrites sur les murs ; au milieu de tout cela nage et coule Hannah Baker dont les cassettes nous feront prendre conscience de la montée en puissance d’un mal-être que chacun a contribué à nourrir. L’originalité réside justement ici, dans ces petits détails relus à haute voix sur lesquels on passe habituellement outre : le suicide et ses motivations sont ainsi très justement développés non sans vertige de la part d’un spectateur qui a été confronté, d'une manière directe ou non, à des situations similaires. La réalisation entremêle les temporalités d’une manière brillante de sorte à nous faire perdre nos repères à l’image de Clay : ses quelques fulgurances esthétiques confèrent à la série une atmosphère de flottement métaphysique, vaste corridor situé entre la réalité et la projection imaginaire d’un passé qui ne passe pas. Les interprétations s’avèrent excellentes, chaque acteur conférant à son personnage une couleur particulière. Elles bénéficient d’une solide composition musicale, très aérienne et à propos, et de chansons souvent bien trouvées ("The Night we met" nous imprégnera profondément). Série importante et neuve non sans quelques petites longueurs mais qui traite un sujet fort avec une maturité incroyable, d’autant plus mature qu’elle met en scène des adolescents sur ce sujet immatures, inconscients – pour certains – du mal qu’ils ont commis. Une œuvre immanquable.