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Série HBO (2002)

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J’ai eu la chance d’être Batman deux fois dans ma vie pour l’instant. La première fut pour Breaking Bad, la seconde pour The Wire. Bon, peut-être qu’une allusion à un héros de Comics n’est pas le meilleur moyen de débuter la critique d’une série policière, mais comment exprimeriez-vous alors le fait de vivre volontairement dans l’obscurité la plus complète, pendant cinq jours, avec pour seul but de finir les cinq saisons d’une série ? (Etre un détraqué plutôt que Batman me parait finalement être une réponse tout aussi plausible en relisant cette question)­.

Mais il y a bien entendu une raison pour laquelle je n’ai pas ouvert mes volets pendant plusieurs jours. Enfin, il y en a plusieurs en fait. Même beaucoup.
The Wire est une magnifique fresque sociale et policière, un exercice habile et complexe qui entremêle multiples destins et enjeux sociologiques. Il s’agit de la série la plus réaliste et passionnante qu’il m’ait été donné de voir. Parfaite en tout point, elle possède le casting le plus impressionnant de toutes les séries télé : la multitude de personnages n’a d’égale que la richesse de leurs caractères.
C’est d’ailleurs l’une des forces de la série : malgré une quantité conséquente de personnages, chacun est traité avec le même souci du détail et tellement bien ancré dans la réalité que l’on suit chaque destin avec le même intérêt. Bien entendu quelques héros sortent du lot. Notamment Omar, Robin des Bois à la sauce bandit et fusil à pompe, figure attachante, complexe et intéressante.

Brutalement réaliste, The Wire n’use jamais de musique lors d’épisodes pour créer un suspense ou intensifier un quelconque passage : la richesse de l’intrigue se suffit à elle-même pour créer l’émotion. Seul l’épisode final de chaque saison propose une conclusion de tous les enjeux des épisodes précédents sur une musique de fond.
Cela renforce l’idée que je me fais sur cette série : The Wire est une série qui sait prendre son temps pour prendre de l’ampleur. J’ai toujours eu l’impression que la puissance de chaque épisode était en réalité décuplée lorsque l’on les considérait dans la globalité de la saison : il ne s’agit que de paragraphes d’un chapitre. Et les saisons-chapitres sont elles aussi plus significatives et fortes lorsque l’on arrive au bout de la série.

A la manière d’un Sergio Leone et de son Il Etait une Fois en Amérique, David Simon se délecte avec une précision meurtrière et un réalisme redoutable à suivre avec authenticité ses personnages et à décortiquer la société et ses rouages. On a affaire à un véritable travail d’acharné et de passionné : justesse, acuité et méticulosité sont les maîtres-mots de l’ouvrage. La capacité de l’orfèvre à mettre à jour le poids de la société sur les héros est tout simplement bluffante : Simon s’octroie la force et l’élégance de balayer l’impact de la vie communautaire sur le quotidien d’absolument tous résidents de Baltimore (criminels, policiers, politiciens, enseignants, élèves, habitants, etc). La ville ronge, s’empiffre et détruit quiconque y résidant.

Etude de mœurs et sociétale de haute volée, The Wire a été un succès critique retentissant à défaut d’être un succès public. Encensée par la presse et toute personne l’ayant vue, elle est souvent considérée comme « la meilleure série de tous les temps ». Ce titre honorifique est loin d’être un simple apparat pour intello snob puisque force est de constater que c’est bien vrai. La richesse, la complexité et la puissance transcendante de cette série sont tout simplement hallucinantes. La bienséance nous oblige donc à remercier HBO qui est la seule chaine qui a pu se permettre de produire et de continuer à diffuser cette série jusqu’au bout. La qualité a donc, pour une fois, triomphé, et cette bulle qu’est The Wire dans le paysage des séries télévisée est alors éternelle.

Ample saga complexe saisissante et passionnante, The Wire est, et restera, pendant encore longtemps, au dessus de n’importe quelle série. Véritable bijou de qualité supérieure, elle seule permet une étude clinique de la société qui vous laisse un souvenir jusqu’au plus profond des os. Pas étonnant alors que la série soit étudiée dans plus d’une cinquantaine d’universités, en Europe et aux Etats-Unis, comme base de cours de sociologie.

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Auteur : Paul
LeBlogDuCinéma
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Créée

le 2 mars 2013

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