A Son Goût nous invite à retrouver l’authentique : les vraies saveurs, les vrais sentiments, les vraies valeurs… Se débarrasser du superficiel pour replonger dans le naturel, puiser dans les racines.
Déterminé à décrocher trois étoiles, Han Beom-Woo (Kang Ha-Neul) découvre une imitation de son plat dans un modeste restaurant et se heurte à sa propriétaire, Mo Yeon-Joo (Go Min-Si). La suite est plus classique : une romance entre deux tempéraments opposés. J’avais déjà apprécié Kang Ha-Neul dans When The Camellia Blooms et Go Min-Si dans le très beau Youth of May. Ce ne sont peut-être pas des têtes d’affiche, mais ce sont deux acteurs de talent.
Derrière la caméra, on retrouve Han Jun-hee, scénariste et réalisateur reconnu (D.P., Weak Hero Class 1), qui s’intéresse souvent à des personnages en marge ou en position de faiblesse, pour mieux parler d’affirmation de soi. Il s’entoure ici de Park Dan-hee, déjà co-scénariste sur Weak Hero Class. Territoire familier. Et ils s’amusent à parsemer la série de clins d’œil visuels ou textuels, un prénom, une phrase, un cadrage, qui sont un vrai régal.
On retrouve bien le style de Han Jun-hee : un montage serré, axé sur les regards, des détails visuels qui accentuent les oppositions. Les scènes de confrontation entre Beom-Woo et Yeon-Joo sont savoureuses. Sa caméra reste réaliste, préférant capter l’émotion d’un regard plutôt qu’user de ralentis ou de fioritures. Ici, il inverse son schéma habituel : après un héros qui se taisait pour se protéger (Weak Hero), il filme un personnage qui parle pour se cacher. Toujours avec respect, en leur laissant le temps d’exister, d’où ces plans fixes rapprochés sur les visages.
Côté casting, on reste presque en famille. Bae Na-Ra, découvert en travesti touchant dans D.P., puis en méchant subtil dans Weak Hero Class 2, campe ici le frère aîné de Beom-Woo. Et j’ai été littéralement subjuguée (oui oui) par son magnétisme. J’adorerais le voir en premier rôle romantique, tant son sourire illumine son visage. On retrouve aussi Yoo Su-Bin, toujours aussi jovial, qui pousse même le gag jusqu’à débarquer dans une voiture jaune à rayures noires.
Et musicalement, il fait appel à Meego artiste musical également entendu dans DP et WHC, artiste qui nous délivre un joli titre avec Beautiful. On reste en famille.
Le choix de Jeonju pour installer le restaurant de Yeon-Joo n’est pas anodin : ville réputée pour sa gastronomie, elle fait écho au projet simple et sincère de l’héroïne. Son restaurant est à la fois refuge et espace de médiation, comme le suggère son nom : un lieu entre soi et les autres, où l’on vient chercher chaleur, réconfort, ou juste un plat qui fait du bien — comme pour ce couple franco-coréen. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’intrigue se déroule dans une ville qui accueille chaque année un festival international du film. Dans ce décor, même un clin d’œil à un autre drama trouve naturellement sa place, comme si la série jouait à mêler fiction, hommage et auto-dérision.
J’ai enchaîné la première moitié des épisodes avec plaisir. Kang Ha-Neul est un acteur entier, passionné, qui ancre son personnage dans le réel avec sa gouaille. Arrogant, prétentieux, mais touchant dans sa maladresse, il devient bouleversant dès que la jalousie pointe. À ses côtés, le visage doux et grave de Go Min-Si s’accorde parfaitement au sien. Au bavardage de Beom-Woo, Yeon-Joo oppose le silence ; l’arrogance ploie devant l’humilité, la paresse s’incline devant le labeur, la maladresse s’émerveille devant la perfection. Leur alchimie fonctionne.
Le générique est un vrai bijou, même si mon préféré reste celui de It’s Okay To Not Be Okay. J’aime cette créativité. J’ai aussi apprécié les passages à Sapporo et la retraite au temple. Et quel plaisir d’entendre un peu de français (j’ai encore en tête Jung Hae-In lisant des recettes dans Love Next Door). L’apparition de Yoo Yeon-Seok, (classé dans mon top 5 de mes acteurs favoris), n’a fait qu’augmenter mon intérêt. À partir de là, l’histoire prend un nouveau tournant.
Mais quel dommage… Les dix épisodes sont clairement insuffisants pour conserver une crédibilité minimale. Certains enchaînements manquent de réalisme ou de logique, même pour une comédie romantique et la fin m’a semblé plutôt bâclée.
Au final, cette série, qui s’est hissée dans le Top 10 de Netflix (même 2ᵉ au rang mondial), me promettait quelque chose d’aussi marquant que Weak Hero Class, mais sous un autre angle, bien entendu. Ça se regarde assez facilement, surtout si vous suivez Han Jun-hee comme moi, car il a une vraie signature avec ses cadrages symboliques, ses histoires mêlant critique sociale, pressions institutionnelles et un choix de personnages atypiques. Il est à suivre dans ses futurs projets.