Quelle audace d’Hulu d’avoir sorti une série en huit épisodes, quand tout le monde sait qu’il ne faut pas attendre la fin pour juger une œuvre. Non, l’art véritable se vit à chaud, à la minute, dans l’instantanéité ! Pourquoi se contenter d’un avis construit, quand on peut écrire une critique exhaustive et éclairée après... deux épisodes ?
Je salue donc mes camarades de SensCritique, véritables pionniers de la précipitation, qui n’ont pas attendu que la série existe en entier pour lui attribuer des 2/10 ou des 9/10 déjà définitifs. Quelle perte de temps ce serait d’attendre l’épisode 8, d’avoir un recul global ou, pire encore, de considérer que l’intrigue pourrait évoluer ! Non : une œuvre doit être jugée dès le quart d’heure consommé, comme on crache un verdict sur un vin après avoir léché le bouchon.
On me dira : « Mais la série n’a pas encore raconté toute son histoire ! » Qu’importe ! Sur SensCritique, nous sommes des oracles, des prophètes de la note anticipée. Pas besoin de voir la fin pour savoir si c’est un chef-d’œuvre ou une purge : l’intuition et l’impatience suffisent.
Et que dire de ces 150 notes et 25 critiques déjà publiées ? Une telle masse critique, c’est du sérieux : avec autant de recul collectif sur… 25 % de l’œuvre, impossible de se tromper. Si demain on sortait un film en quatre actes, certains noteraient déjà à la première bobine. Visionnaires, je vous dis.
Bref, Alien : Earth n’est peut-être pas encore totalement sortie, mais rassurez-vous : le peuple des juges pressés a déjà tranché. Pourquoi attendre le plat principal, quand on peut descendre (ou aduler) le dîner après l’amuse-bouche ?
Note provisoire mais définitive : 5/10, jusqu’à ce que j’aie vu l’épisode 3, auquel cas je réécrirai tout en jurant que j’avais raison depuis le début.
À moins que...
Ah non, j'imagine déjà la suite.
Épisode 1 :
« Chef-d’œuvre immédiat, Ridley Scott est un génie (même si ce n’est pas lui qui réalise). La photographie est incroyable, les aliens sont déjà iconiques, et je peux vous dire sans trembler : c’est la meilleure série de SF de la décennie. »
Note moyenne : 9,2/10
(À ce stade, on n’a vu qu’une attaque dans le noir et trois dialogues, mais peu importe : l’art se sent, il ne se regarde pas.)
Épisode 2 :
« Alors là grosse déception, on dirait Plus Belle la Vie avec des tentacules. Série morte-née, je me désabonne. »
Note moyenne : 4,1/10
(La transition entre l’épisode 1 et 2 a déjà tué des carrières, des espoirs, et probablement l’avenir de la science-fiction tout entière.)
Épisode 3 :
« Non mais en fait ça remonte ! Un twist incroyable, du jamais-vu depuis Lost (sauf que c’est un peu du copier-coller, donc ça mérite un 6, mais pas plus). »
Note moyenne : 6,0/10
(L’inconstance érigée en système critique : le yoyo intellectuel version SensCritique.)
Épisode 4 :
« Les scénaristes ne savent pas où ils vont, moi non plus. Série poubelle. »
Note moyenne : 2,7/10
(La saison n’est pas encore à moitié sortie, mais la condamnation à mort est actée. À ce rythme, la guillotine tombe avant le dessert.)
Épisode 5 :
« J’avais tort. C’est profond, philosophique, métaphysique. Du pur Alien. »
Note moyenne : 8,5/10
(La passion renaît de ses cendres comme un phénix qui binge-watche à trop grande vitesse.)
Épisode 6 :
« Un épisode de remplissage, donc la série entière est du remplissage. J’ai perdu 50 minutes de ma vie. »
Note moyenne : 3,3/10
(La mesure et la nuance sont des notions inconnues ici : tout est génial ou tout est foutu, pas d’entre-deux.)
Épisode 7 :
« Enfin ! Une intensité digne de 1979. Scott, pardonne-moi d’avoir douté de toi (même si tu n’es pas aux manettes, mais chut). »
Note moyenne : 9,0/10
(Quand le fanboy reprend le dessus, toutes les critiques précédentes sont effacées de la mémoire collective comme par magie.)
Épisode 8 (final) :
« Tout ça pour ça ? Pire fin de l’histoire de la télé. J’ai été trahi, humilié, blessé. 0/10. »
Note moyenne : 1,1/10
(Le cycle est complet : du messie à la trahison, de l’extase au lynchage. La boucle SensCritique est bouclée.)
Moralité : inutile d’attendre la fin pour juger une série. Il suffit de s’indigner, s’extasier et se contredire chaque semaine pour avoir l’air intelligent.
NB : Et pour celui qui me dira : "Quand tu découvres que le plat que l'on t'a servi c'est du caca, que fais-tu ? Tu te barres sans payer ou alors tu finis l'assiette et tu payes ?", je repondrai : "Oui bien sûr, excellente comparaison. D’ailleurs, moi je juge aussi les films après 10 minutes : si le popcorn est un peu sec, c’est forcément que la fin sera ratée."