« Prodiguant une éducation qui réchauffe et renforce les vies »

Je divulgâche.

À l’occasion de l’annonce d’une deuxième saison pour 『All Of Us Are Dead』, je me suis dit que j’allais écrire une petite review de cette série que j’avais trouvée plutôt sympathique. Elle n’était pas une formidable entreprise artistique, mais montrait un ou deux aspects très bien réalisés et essayait de révolutionner légèrement le genre du zombies à son échelle.

Effectivement, rien que la prémisse de l'apparition des zombies est déjà en soi intéressante. À côté du coup classique d'un virus devenu incontrôlable comme dans 『Dernier train pour Busan』, la raison de l'existence de ce virus est elle percutante : un virus créé pour épargner à un enfant le harcèlement qu'il subit. On a là une critique indirecte d'un phénomène proéminemment présent dans toute société, particulièrement à l'école — et il est d'ailleurs remontré maintes fois dans la série, dont une fois sous la forme d’un dégoût ressenti envers les boursiers, autrement dit un dégoût de classe (qui se finit d'ailleurs de la pire des façons possibles).

La question posée en fond (et en forme) est alors d'autant plus importante : que faut-il faire lorsqu'un tel phénomène se produit et que l'on est impuissant, a fortiori quand c'est un proche qui en est victime ? Et ce questionnement tragique n'en est qu'un parmi d'autres du même acabit éthique que pose la série tout du long, dont beaucoup s'approchent du politique et ont soit une portée universelle, soit un contexte spécifiquement coréen — une spécification qui permet à la série de s'apprécier d'autant plus : bien qu'elle semble chercher une portée internationale, elle s'ancre par moments bien dans la culture coréenne. Que cela soit le haut-gradé militaire affichant son drapeau national à l'arrière de son bureau, l'évocation de l'absence de bombe nucléaire pour la Corée du Sud, ou l'échange de badge en tissu pour se déclarer sa flamme — on a bien, par petites touches, le sentiment de regarder quelque chose qui tout en n'étant pas atypique est bien typique.

Je n’ai pas grand’chose à dire du côté des acteurs, mais j’aimerais toucher un mot sur deux personnages. Le premier est le hooligan, Yoon Gwi-nam : institué de base comme un grand méchant, il est beaucoup trop stéréotypé (même si les moments où Lee Cheong-san essaye de décortiquer sa psychologie sont sympas pour évoquer ses faiblesses profondes), et ses fabuleux retours multiples rythmés par ses retours à la vie inévitables le font plus ressembler à mon sens à un Grominet qu’à un Freddy. L’autre personnage est la meuf qui a tué le boursier, Lee Yoo-mi : comme un autre article le mentionnait, il aurait été très bienvenue de voir une phase de rédemption qu’elle s’apprêtait à effectuer au lieu de la tuer : si la scène est très triste en vue du geste courageux qu’elle prévoyait, le pèlerinage de pardon qu’elle aurait pu traverser aurait été encore plus intéressant à montrer.

À propos du scénario, l’emprisonnement des lycéens et surtout la ritournelle de la lueur d’espoir de sortie du lycée éteinte rapidement devient lassante, cela autant pour eux que pour nous spectateurs. C’est d’autant plus dommage que l’histoire de la série elle-même se déroule dans d’autres endroits de la ville qui auraient aussi pu être investis par les lycéens bien avant de toucher les derniers épisodes… Mais cela passe encore, car le pire — et quel grand pire ! —, c’est la fin, qui est d’une nullité exaspérante : la suite est annoncée de manière bien trop explicite, bien trop commerciale, et surtout bien trop mauvaise, avec une pirouette de film d’action qui n’a rien à faire là admirée par des regards pantois et ahuris tournés vers une scène cachée. Il aurait été bien plus judicieux de conclure la série ici, mais bon, à l’instar de 『Kingdom』, il a fallu faire une ouverture gratuite, absolument pas nécessaire et sentant le désastre à plein nez.

Autrement, la série se donne des références plaisantes qui ancrent en même temps son histoire dans le monde réel, telles que celle au comique 『Zombieland』, celle au coréen 『Dernier train pour Busan』 et même une petite à l’épidémique COVID-19 ! En parallèle, le sérieux de catastrophe du scénario est contrebalancé par un certain humour qui est malheureusement parfois très gratuit, insérant bien trop de comédie dans un contexte se voulant pourtant très grave, ce qui fait décrocher du pacte avec le dramaturge (je pense ici par exemple à une scène dans le restaurant avec les deux policiers et le bébé). Autrement toutefois, l’humour est plutôt sympathique, avec des blagues sur les zombies ayant conservé une conscience humaine, des blagues "contemporaines" avec notamment le streamer débile qui vient confirmer l’existence des zombies sur le terrain, ou les blagues des adolescents qui se charrient entre eux — en somme des blagues qui s’insèrent très bien dans l’esthétique générale de la série.

Quant à la musique, elle penche majoritairement du côté du tragique (et cela assez gratuitement), mais elle reste discrète en général, privilégiant bien les bruits d’ambiance comme cela se fait astucieusement dans le genre de l’horreur. Du reste du côté technique, l’image est agréable à l’œil mais n’a rien de particulier ; quelques jolis plans de temps en temps utilisent des angles originaux, notamment les grands angles comme lors des sorties sur les rebords des fenêtres.

En somme, 『All Of Us Are Dead』 réussit très bien à pointer beaucoup de problèmes sociétaux, voire humains, en se servant des zombies ou comme d’un pur prétexte ou comme d’un simple divertissement. Mais malheureusement, la série n’est pas construite parfaitement, et il est fort dommage qu’elle se sente obligée de se pavaner d’une commercialité relativement outrancieuse par des recettes de ritournelle et surtout par une fin pathétique, alors que son contenu global décoré de quelques autocollants coréens suffit largement à la regarder agréablement, « providing an education that warms and strengthens lives »