Baccano!
7.9
Baccano!

Anime (mangas) WOWOW (2007)

*Et Robert Dupont rit de sa mésaventure et jura qu'on ne l'y reprendrait plus.

Par quel côté prendre Baccano ? A se demander si les auteurs eux-même le savaient. Toujours est-il que leur récit est un immense patchwork scénaristique fouillis, au propos flou et aux enjeux inhabituels. A côté de ça, c'est joyeusement fun, les personnages sont attachants, même s'ils ne sont pas particulièrement creusés, et l'histoire, si on admet la logique interne complètement inverse à celle qu'on peut trouver n'importe où ailleurs, est sympathique. Dilemme dilemme pour le critique snob qui aimerait se gausser en paix des erreurs de l'anime sans que son âme d'enfant lui hurle que "c'est trop rigolo".

*Un beau soir de printemps, Robert Dupont entra dans un restaurant.

L'intrigue est divisée en trois grands arcs, chacun séparé d'une année dans le temps et n'ayant que peu de rapports les uns entre les autres, un épisode faisant en moyenne deux scène pour chaque histoire, de façon complètement décousue. Par exemple, on passe de 1932 à 1930 puis à 1931, en repassant par 1932, sans cohérence particulière, et tout cela en 25 pauvres minutes. Mieux vaut s'y faire vite, car attendre que les diverses intrigues se rejoignent effectivement ou ait un lien de cause à effet direct est un bon moyen d'achever la série un peu frustré et un peu migraineux.

* A dix kilomètres de là, Bérengère Lepetit faisait l'acquisition d'un sac de poireaux.

Les trames narratives principales sont :
- Les expériences d'un vieil immortel entrant en conflit plus ou moins par hasard avec un groupe de gentils truands locaux.
-Un voyage en train qui tourne mal à cause d'au moins quatre intérêts divergents.
-Une riche héritière cherchant son vaurien de frère en même temps qu'un groupe de méchants gangsters.
Les seuls points récurrents entre tout ça sont la présence d'un couple d'escrocs joyeusement ahuris, mais avec un coeur du métal précieux de votre choix, et l'idée d'un groupe d'hommes immortels cannibales. Oui, la thématique mafia souvent mise au premier plan lorsqu'on parle de cette série a la plupart du temps tendance à servir de vague contexte, voire prétexte, mais bon, avec des immortels cannibales contre la pègre dans un train, on ne va pas se plaindre, c'est déjà assez épique.

* Robert Dupont découvrit soudain une mouche dans sa soupe !

A propos de mafia, d'années trente et de prohibition, n'oublions pas que nous parlons de Japonais. D'où certaines exagérations jouissives ou interprétations un peu surprenantes pour nous autres européens, qui avons la sottise de voir les mafieux comme un groupe d'individus sans scrupules et avides d'argent, quand cet anime nous montre tout au contraire de braves gens un peu simples, bien habillés et avec un flingue. Quand ils ne mangent pas carrément des bonbons, portent des lunettes de geek ou ressemblent à des héros de téléfilm pour adolescent. A part les quelques psychopathes ( il en faut ), l'ensemble de la communauté criminelle est présentée comme faisant preuve d'une inattendue bonhomie. Les guerres de gang ou les opérations crapuleuses elles-mêmes n'occupe pas une place prépondérantes dans tout ça, les caractéristiques ou les relations des différentes familles ( Runorata, Gandors, Martillo, Russo ) n'étant introduit que très tard, voire pas du tout. Tout cela semble fait pour justifier une atmosphère jazzy, un design classieux, et le fait que certains personnages repeignent les murs avec la cervelle de leurs copains. Pour le plus grand plaisir de notre premier degré à nous autres spectateurs.

*Une fois assis, Robert Dupont commanda une soupe au serveur.

Les personnages sont sans doute l'argument massue en faveur de la série. Pas qu'il soient profonds ou quoi que ce soit, mais ils réussissent à faire de très sympathiques caricatures. Notamment les deux génies du crimes déjà cités, Isaac et Miria, duo de cambrioleur à la stupidité loufoque carrément surréaliste. Non seulement le jeu d'acteur complètement survolté de leurs doubleurs et leurs interactions à base de syllogisme ras-la-moquette sont hilarants, mais leur gentillesse innocente et optimiste totalement hors de propos en fait des personnages vraiment appréciables, malgré le fait qu'on ne peut évidemment pas les trouver crédible un instant. Les autres protagonistes ne sont pas en reste. Le soit-disant héros est merveilleux : jeune, beau, gentil, doué en tout, gangster (!?) foutrement inutile à l'intrigue, il incarne à lui seul l'originalité de cette série où on désigne arbitrairement un personnage principal parce qu’il est "lead-characterish" ( oui, ish ). Ladd Russo, mafieux sanguinaire et étrangement sympathique, qui a pour fantasme de tuer les gens qui se croient invulnérables, Jacuzzi Splot ( haha ), le chef de gang le moins crédible du multivers, qui rejoint d'un bon pas Yukiteru et Ikari Shinji dans le top 3 des chochottes d'anime, Dallas Genoard, sale gosse loser devant l'éternel, Nicholas Wayne, Czeslaw Meyer, Claire Stanfield, Ennis... Tout ces personnages sont plaisants à suivre ( et à moquer, oui ).
Hélas, on aurait aimé un développement un peu plus conséquent sur la personnalité ou le futur de certains d'entre eux. La copine de Ladd a la présence d'une chaise, les pouvoirs mystiques de Huet Laforet ne sont jamais expliqués, par plus que les motifs de la sécheresse du sénateur Beriam, voir sur ce qu'il advient de la plupart des passagers du train après coup. Mais leurs aventures forment déjà un ensemble bien assez intéressant.
D'ailleurs, anecdote cocasse : le réalisateur de l'opening de Baccano n'a probablement pas vu l'anime en question, ou n'a eu accès qu'à un premier jet du script. Ce qui l'a poussé à mettre en avant ( avec arrêt sur image, nom en grand et tout le toutim ) des personnages à l'importance tout à fait négligable et à en négliger d'autres, plus conséquents. Keith Gandor, par exemple, bien qu'il apparaisse dans trois épisodes à tout casser et qu'il n'y dise pas un seul mot, à droit à la cinquième position dans le générique. En vous prévenant, je vous épargne de vous demander sans arrêt à quel moment ces personnages vont faire quelque chose qui justifie cette présentation.

*Robert Dupont obtint une seconde soupe, hélas un peu plus salé que la précédente.

On est bien entendu là pour rire et pour suivre le déroulement des différentes trames, surtout afin de savoir ce que le fuck. Point de grand thème métaphysique ou de réflexions profondes. Si vous cherchez une série traitant de l'immortalité où les gens n'ont strictement rien à battre du lourd fardeau de l'éternité, vous avez frappé à la bonne porte. L'antagoniste principal lui même s'en désintéresse pour ne plus chercher qu'un plaisir pervers. Néanmoins, il y a de temps à autres une certaine élégance efficace qui se détache du nawak ambiant. La séquence flash back de 1711 avec son démon, par exemple, ou la relation entre Ennis et Firo le héros, vite brossée mais qui marche.
On regarde ça avec un accablement émerveillé, on cherche désespérément un sens au déluge de bizarrerie et de digressions qui nous tombe dessus, on rit aux pitreries de Miria et Isaac, on applaudit quand Ladd réduit une nouvelle tête en purée ou que Dallas se fait humilier pour la cinquième fois en moins de trois heures, le tout dans une succession de scènes aussi logiquement organisée que l'histoire de Robert Dupont ( fin au début, flash back, scènes capitales éludées, arc mis en lumière trop tard ou avant qu'on ne puisse comprendre leur intérêt ). Mais on regarde. Et on regarde. Et on ne peut pas s'en détacher, parcequ'il y a toujours en nous cette petite voix qui veut plus d'humour absurde, de violence sanglante, de dialogues sans queue ni tête, de personnages félés ou classieux. Et pour avoir réussi à maintenir cette petite voix éveillée d'un bout à l'autre malgré ses défauts, Baccano mérite bien des éloges.

* Bérengère Lepetit entra alors dans le restaurant pour mélanger ses poireaux à la soupe de Robert Dupont. Ils en burent tout deux et devinrent immortels. Ils massacrèrent alors tout le monde et partirent, nus et libres, vers de nouvelles aventures dans le soleil couchant.

Créée

le 6 févr. 2014

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Kevan

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