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"Black Mirror" fait partie des pépites de Channel 4, qui nous a déjà offert : "Queer as Folk", "Black Books", "Big Brother", "The IT Crowd", "Skins", "Misfits" ou encore "Utopia". Alors la série ne déroge pas à la règle et envoie le pâté, grave.

(A ce jour) Composée de deux saisons de trois épisodes d'environ une heure chacune, la série développe un pamphlet contre la technologie, son omniprésence et les dérives liées à un usage malhonnête, déviant, voire malsain, que l'on fait d'elle. Ainsi, chaque épisode (que l'on peut considérer comme un moyen-métrage à part entière) racontera une histoire indépendante des autres, sans personnages récurrents.

Dans un premier temps, nous suivons la mésaventure du premier ministre britannique, pris pour cible par un maître chanteur un brin pervers. Ce dernier a enlevé la princesse du Royaume, et demande pour rançon que le Prime Minister ait des rapports sexuels filmés, et diffusés en direct, avec... un porc ! Malheureusement, le kidnapping ainsi que la demande inhabituelle du ravisseur ne sont pas restés confidentiels, et les réseaux sociaux, puis les médias internationaux vont s'approprier l'affaire pour l'ériger en information absolue et unique... Habilement construit, l'épisode tend à montrer l'hypocrisie du monde médiatique, qui tend à produire de l'irréel plutôt qu'à montrer le réel.

Ensuite arrive un épisode un peu plus geek et cynique... L'on se retrouve dans un monde complètement bercé par la compétition, la gloire, et le jugement "artistique". Dans un immeuble inondé d'écrans, des hommes et femmes passent leurs journées à faire du vélo (d'intérieur, avec une route animée défilant sur un écran), jouer à des jeux, regarder des publicités... afin de gagner les quinze millions de crédits nécessaires pour participer au concours ultime, sorte de "Incroyable Talent". Ici, l'interrogation se pose sur la parole d'Évangile attribué aux jurés des émissions de télé-crochet, vus comme des êtres transcendants qui décident du sort de chacun, sans état d'âme. En outre, elle affiche le repli de dignité des candidats, prêts à faire tout et n'importe quoi pour toucher du bout des doigts une hypothétique gloire éphémère.

Le troisième épisode de cette première brochette assaisonnée s'intéresse à la possibilité d'enregistrer tous ses souvenirs sur une puce implantée juste derrière l'oreille, sous la peau. Consultable n'importe où, n'importe quand, elle servira à amplifier les doutes de Liam quant à la fidélité de sa compagne, en analysant de plus près les images qu'il a enregistrées lors d'un dîner entre amis.


Deuxième saison, premier épisode. Martha vient de perdre son amoureux dans un accident de voiture. Pendant les funérailles, une de ses amies (ayant également perdu son amour) lui explique rapidement qu'elle peut continuer à parler à sa défunte moitié via un logiciel qui utilise toutes les données que le mort a publiées durant son existence (Facebook, Twitter, etc). Ce programme peut même avoir accès aux emails privés, s'il en a l'autorisation par la cliente. Encore plus fort, encore plus loin, les technologies modernes permettent aussi de lui donner une voix, et même un corps ! Une sorte de clone aussi vrai que nature, qui montrera assez vite ses faiblesses et lacunes, l'intelligence artificielle ayant ses limites... Un épisode émouvant.

Puis nous atterrissons sur un spectacle malsain et fort contestable d'un point de vue éthique, où une criminelle finit en attraction dans un parc à thème assez particulier : "White Bear Justice Park". C'est comme un zoo, sauf qu'ici l'animal est une criminelle qu'on fait tourner en bourrique, qu'on torture psychologiquement en manipulant son cervelet et ses amnésies. Armés de leur téléphone en guise de caméra, les visiteurs de ce parc exacerbent la société voyeuriste dans laquelle nous vivons, et dont Channel 4 a paradoxalement su profiter à l'époque de son "Big Brother".


Enfin, le dernier, et certainement le moindre. Un comédien sans carrière prête sa voix à un personnage animé comique, nommé Waldo. Ce dernier va se révéler si populaire auprès du public, qu'il va devenir candidat aux élections du Parlement britannique, et mener des débats face à des politiques en chair et en os...


"Black Mirror" est une sublime mise en abyme de la société du spectacle moderne, qui poussera le spectateur à réfléchir à son rapport avec le monde des médias et les technologies.
Urkyjo
8
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le 10 août 2014

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Urkyjo

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