The Client List (Lifetime, 2012) s’aventure sur un terrain glissant mais captivant : celui de la double vie d’une femme confrontée à la précarité, qui choisit une voie inattendue pour subvenir aux besoins de sa famille. Sur fond de sensualité et de drame domestique, la série interroge — parfois timidement — les limites entre choix, contrainte, et pouvoir au féminin. Si le concept accroche dès les premiers épisodes, l’exécution manque parfois d’audace pour pleinement convaincre.
Le pitch de départ est fort : Riley Parks, mère au foyer abandonnée du jour au lendemain, découvre une réalité brutale où le travail conventionnel ne suffit plus. Le salon de massage dans lequel elle est embauchée devient vite le théâtre d'une double existence. Le cadre est posé, les enjeux sont clairs, et l’attachement au personnage principal se fait rapidement.
Mais après quelques épisodes, une certaine mécanique s’installe. L’intrigue, au lieu de se complexifier, tourne parfois en rond. Les tensions dramatiques restent souvent à la surface, sans réel approfondissement. On sent un potentiel émotionnel et narratif fort, mais rarement pleinement exploité. La série préfère parfois le confort d’un schéma répétitif à une véritable prise de risque scénaristique.
Là où The Client List aurait pu être un manifeste puissant sur le pouvoir féminin, elle reste souvent sur la corde raide entre revendication et stéréotype. Riley incarne une femme forte, capable de prendre les rênes de sa vie dans une société qui la marginalise. Son choix de travailler dans un salon aux services « particuliers » est présenté comme une réponse pragmatique à une impasse économique, non comme une déchéance morale. En cela, la série adopte une posture féministe intéressante, en montrant une héroïne qui ne se conforme pas aux attentes sociales.
Cependant, cette intention reste parfois brouillée par une mise en scène très sexualisée, où le corps féminin devient plus un objet de regard qu’un vecteur de pouvoir. Le regard masculin, omniprésent, semble souvent diriger la caméra, ce qui fragilise le message d’émancipation. On aurait aimé un traitement plus subtil, plus affirmé, moins soumis aux codes esthétiques de la séduction télévisuelle.
Jennifer Love Hewitt livre une prestation habitée. Elle insuffle à Riley une vraie humanité, oscillant entre fragilité assumée et force déterminée. C’est clairement elle qui porte la série sur ses épaules. Les personnages secondaires, quant à eux, manquent parfois de substance, comme s’ils servaient surtout à faire avancer l’intrigue plutôt qu’à enrichir l’univers narratif.
La réalisation reste dans les canons esthétiques de Lifetime : une image propre, chaleureuse, presque trop sage. Le contraste entre la lourdeur des thématiques (précarité, travail du sexe, solitude maternelle) et l’esthétique presque glamour crée un léger décalage, parfois déroutant. L’habillage visuel adoucit les tensions là où un traitement plus rugueux aurait pu renforcer l’impact émotionnel.
Avec The Client List, on navigue entre fascination et frustration. La série pose des questions importantes — sur l’autonomie des femmes, les rôles imposés, la pression sociale — mais n’ose pas toujours aller au bout de sa démarche. Ma note de 6/10 reflète ce sentiment d’inabouti : une œuvre plaisante, parfois touchante, portée par une actrice convaincante, mais freinée par des choix trop consensuels. Une série qui séduit, mais qui aurait pu déranger — et marquer — bien davantage.