Qui d'autres que De Lestrade et Lacomblez, grands serviteurs du service public, tauliers de la fiction Monstre, pour embrasser ce sujet ? Marque de fabrique, cette qualité d'écriture déjà largement éprouvée, faite de rigueur sans excès, offrant une parfaite lisibilité sans jamais verser dans le programmatique et ou le didactique. On imagine les boucles infinies d'arbitrage, plus encore que pour les projets précédents, qui ont nécessairement présidé à chaque choix, nombreux étant majeurs. Et pourtant, élégance et intelligence de traitement, ce poids n'est pas à l'image. On n'échappe à toute rigidité (la narration sur huit épisodes est par ailleurs d'une fluidité exemplaire). En grande partie probablement au crédit de cette caméra humaniste,en rien aveuglément idéaliste, qui est la leur. Qui donne à voir ce qu'un sujet abandonné au théâtre de l'horreur absolue, déformé par la violence la plus abjecte, peut encore avoir à livrer de part d'humanité. Et comme pour donner raison à nos auteurs, cette cellule de résistance, ces "potages",  un élément qui s'il était de fiction pure serait jugé trop beau. Elle valide leur foi en le sujet humain et leur ouvre la voie.
L'humain donc au centre, De Lestrade-Lacomblez se tiennent à distance d'une austérité de traitement derrière laquelle ils auraient pu se protéger, pour, exercice bien plus difficile, périlleux en ces lieux, livrer plus que des faits, des portraits sensibles. Ouverts mais jamais déséquilibrés. Certes, poids de la fiction, le trait est parfois très probablement adoucis (ces rescapés, même avec leur "faiblesse", leurs quelques errements,  nous donnent un peu la leçon: on tend vers l'exemplaire (on se dit que ces obscurs Eagles of Death Metal ont un public de choix)); la parole circule de façon parfois trop parfaitement articulée (une capacité à énoncer et écouter qu'on voudrait norme); mais les incarnations sont si belles que le tout emporte largement l'adhésion. Et de saluer tout particulièrement les visages qui ne nous sont pas familiers. Si aucune tête d'affiche, toutes exemplaires de professionnalisme (Poisson étant sur ces partitions  comme devenue incontournable), ne pénalisent heureusement de son empreinte l'entreprise (même un Reinartz ou un Moati, acteurs typés, exemplarité du travail de casting, trouvent leur place sans déborder ni s'effacer), c'est bien le reste du casting, révélation et donc bonheur pour le spectateur, qui contribue pleinement à nous mener sur ce chemin de foi. Des noms parce qu'il faut les citer: Anne Steffens, bouleversante de bout en bout. Thomas Goldberg, maintes fois saisissant. Aude Ruyter, en quelques scènes, touche au sublime. Julie Sicard (point une débutante notons le), leçon, atteint comme sans forcer l'exemplarité. Cedric Eeckhout, parfait en fragilités. Simple: chacun est bon (et beaucoup d'autres). Et quand chacun est bon, c'est que les bases ne l'étaient pas moins. Du très bel ouvrage.
Merci aux auteurs/réalisateurs. Merci au service public (qui sait faire autre chose que du Netflix), qui quoi qu'on en dise participe à faire oeuvre commune.
Exemplaire et incontournable.