Avec Eli Stone (ABC, 2008), les créateurs Greg Berlanti et Marc Guggenheim proposent une œuvre hybride, qui cherche à marier plusieurs registres : la série judiciaire, la comédie dramatique, le fantastique et même la réflexion spirituelle. Sur le papier, cette ambition plurielle est séduisante et témoigne d’une vraie volonté de se démarquer au sein du paysage télévisuel de l’époque.
L’un des atouts majeurs de la série réside dans son concept de base : un avocat d’affaires de San Francisco, Eli Stone, frappé de visions hallucinatoires qu’il interprète comme des appels à repenser ses priorités de vie et à défendre des causes plus altruistes. Ce fil narratif, à la croisée de la médecine (l’anévrisme cérébral dont il est atteint) et de la foi (les prophéties et visions), constitue le moteur dramatique de l’œuvre.
Sur le plan de l’écriture, la série parvient par moments à jongler habilement entre ses différentes tonalités. Les épisodes qui réussissent cet équilibre offrent des récits touchants, portés par des questionnements moraux et éthiques pertinents, notamment sur la responsabilité sociale des avocats, la justice, et la quête de sens dans un univers matérialiste. Certaines affaires traitées en filigrane permettent même des critiques sociétales intéressantes, quoique parfois un peu didactiques.
Néanmoins, cette structure hybride devient également l’une des principales faiblesses de Eli Stone. L’alternance entre comédie légère, vision onirique et drame juridique manque parfois de cohérence. Le ton oscille fréquemment d’un épisode à l’autre (voire au sein d’un même épisode), créant une instabilité qui peut nuire à l’investissement émotionnel du spectateur. Certaines intrigues secondaires s’avèrent peu approfondies, voire anecdotiques, diluant ainsi la force des enjeux principaux.
Sur le plan de l'interprétation, Jonny Lee Miller livre une performance sincère et nuancée, rendant crédible l’évolution psychologique de son personnage. Cependant, les personnages secondaires, bien qu’interprétés avec sérieux (particulièrement Victor Garber ou Loretta Devine), souffrent parfois d’un développement inégal qui empêche de donner à l'ensemble la profondeur espérée.
D’un point de vue technique, la réalisation reste assez classique, sans réelle audace visuelle. Les effets spéciaux utilisés pour représenter les visions d’Eli, s’ils étaient acceptables à l’époque, accusent aujourd’hui un certain vieillissement, sans pour autant nuire gravement à la narration.
Enfin, la musique — et notamment la présence régulière de George Michael — constitue un élément singulier de la série, apportant une touche décalée et parfois émotive qui participe à son identité propre.
En résumé, Eli Stone est une série au potentiel évident, qui mérite d’être reconnue pour son originalité et certaines de ses qualités d’écriture. Toutefois, son exécution inégale et son incapacité à maintenir une cohérence de ton sur la durée limitent son impact global. Elle reste une expérience agréable, mais frustrante pour qui aurait espéré une exploitation plus aboutie de son concept ambitieux.
Note personnelle : 6/10