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Falcon and the Winter Soldier s’inscrit dans la continuité directe d’Avengers: Endgame. Le monde se reconstruit après le retour des disparus du Snap, et les nations, comme les individus, cherchent un nouvel équilibre. L’idée de suivre deux seconds rôles de Captain America pour interroger l’héritage du symbole était séduisante. Ce contexte post-traumatique ouvrait la voie à une réflexion sur la mémoire, la responsabilité, et la place du héros dans un monde désenchanté.

Mais très vite, la série montre ses limites. Malgré une base prometteuse, elle ne parvient jamais à trouver son souffle. L’ensemble reste prisonnier d’une écriture confuse, d’un rythme hésitant, et de personnages d’une fadeur inquiétante. Le résultat, c’est une série sans énergie, sans tension dramatique, et sans vision claire — un produit de transition plus qu’une œuvre à part entière.


Héritage du symbole et premiers espoirs


Le premier épisode donne pourtant envie d’y croire. On retrouve un monde en reconstruction, où les héros doivent redéfinir leur rôle. Le gouvernement cherche un nouveau visage pour incarner la bannière étoilée, tandis que Sam Wilson, fidèle à sa modestie, refuse le bouclier de Steve Rogers. Cette hésitation dit beaucoup : le poids du symbole est trop lourd, la figure du héros trop idéalisée pour être simplement remplacée.


Dans cette première partie, la série touche juste. Elle parvient à faire ressentir l’absence de Captain America comme un vide moral et politique. Bucky Barnes, de son côté, tente de se racheter une conscience, prisonnier de ses souvenirs d’assassin manipulé. Ces trajectoires croisées avaient de quoi nourrir un propos fort sur la transmission, la culpabilité et la légitimité.


L’apparition de Madripoor, cité interlope où se croisent trafics, agents doubles et fantômes du passé, renforce cette impression d’un univers riche, potentiellement adulte. Le ton, à ce moment-là, évoque un polar géopolitique à la Marvel, entre morale et machination. Ces promesses initiales sont les rares instants où Falcon and the Winter Soldier semble aspirer à plus qu’une simple mini-série de transition.


Une intrigue molle et des personnages sans envergure


Mais dès le deuxième tiers, tout s’effondre. L’intrigue, déjà peu claire, devient laborieuse. Les enjeux se diluent dans une succession de dialogues convenus, de poursuites interchangeables et de discours creux. Le groupe des Flag Smashers, censé représenter une rébellion populaire contre l’ordre mondial post-Snap, n’a aucune substance. Ni leur idéologie, ni leur leader n’ont la moindre consistance. On ne comprend ni leurs objectifs, ni leurs méthodes, ni pourquoi on devrait les craindre.


Face à eux, le duo Falcon/Winter Soldier ne dégage rien. Falcon est d’un ennui rare : toujours en retenue, toujours dans le commentaire, jamais dans l’incarnation. Son manque de charisme devient problématique au fil des épisodes, au point qu’on peine à croire en son ascension finale. Bucky, pourtant plus complexe, est lui aussi sous-exploité. Son passé torturé aurait pu nourrir une vraie tension psychologique ; il n’en ressort que quelques scènes convenues où il s’excuse d’avoir été une arme.


Même le nouveau Captain America temporaire, John Walker, aurait pu apporter une vraie dimension morale — un soldat loyal mais désaxé, miroir de ce qu’un symbole devient quand il tombe dans les mains du pouvoir. Là encore, la série effleure le sujet sans jamais s’y plonger. Tout semble resté en surface, comme si l’écriture craignait d’assumer le moindre choix fort.


Résultat : aucune dynamique, aucun enjeu émotionnel fort. On regarde des personnages s’agiter dans un cadre politiquement flou, sans jamais ressentir quoi que ce soit. L’action devient du remplissage, et la série s’étire péniblement sur six épisodes qui auraient pu tenir en deux.


Mais le véritable échec de la série tient surtout dans la relation entre ses deux protagonistes. Marvel voulait manifestement renouer avec la formule du buddy movie : deux héros aux tempéraments opposés, contraints de coopérer et de se supporter jusqu’à, peut-être, s’apprécier. Falcon, calme et idéaliste ; Bucky, torturé et taciturne : tout semblait réuni pour une dynamique à la Lethal Weapon.


Sauf que rien ne fonctionne. Les dialogues censés être drôles ou piquants tombent à plat, l’humour ne prend jamais, et l’alchimie entre les deux acteurs est inexistante. Là où un buddy movie vit de la tension et du relâchement, de la complicité qui naît dans l’action, la série ne produit qu’un silence gêné. Les deux héros ne semblent ni rivaux, ni amis, juste deux silhouettes posées dans un même plan.

Le ton global, trop sérieux pour assumer le comique de situation et trop convenu pour susciter l’émotion, achève de rendre l’ensemble fade.

Ainsi, cette tentative de duo complice censée humaniser la série ne fait qu’accentuer son absence d’âme : au lieu de la vivifier, elle révèle son inertie.


Une approche sociale trop naïve et déjà-vue


Le dernier tiers de la série tente maladroitement d’apporter une dimension sociale : celle de la condition des Afro-Américains et de la difficulté pour un homme noir d’endosser le costume de Captain America. Le propos est louable, mais le traitement manque cruellement de finesse. Tout est dit, surligné, expliqué au spectateur comme s’il fallait absolument le convaincre du bien-fondé du message.


La série s’appuie sur le personnage d’Isaiah Bradley, ancien soldat noir sacrifié par le système, pour évoquer la mémoire occultée et le racisme institutionnel. Cette idée aurait pu donner lieu à un dialogue fort entre passé et présent, entre désillusion et espoir. Mais elle reste cantonnée à quelques scènes didactiques. Sam finit par accepter le bouclier en délivrant un discours final aux accents moralisateurs, qui résume bien la limite du projet : Falcon and the Winter Soldier veut parler de justice et de responsabilité, mais le fait sans nuance, comme une leçon de morale simplifiée.


L’ensemble donne une impression de déjà-vu, comme si Marvel voulait cocher une case sociale sans vraiment interroger ses propres contradictions. La portée symbolique du geste (un Captain America noir) aurait pu suffire à elle seule. À force d’explication, la série étouffe son propre propos.


Falcon and the Winter Soldier illustre parfaitement ce que devient le MCU sur petit écran : une mécanique bien huilée, mais sans âme, sans vision et sans courage d’écriture. L’univers post-Snap méritait mieux qu’un enchaînement d’épisodes tièdes et d’enjeux moraux dégonflés. Le duo principal, inexpressif et sans alchimie, n’arrive jamais à porter la série, tandis que le scénario tourne à vide.




Quelques bonnes intentions, un contexte prometteur, et deux ou trois idées de mise en scène ne suffisent pas à masquer le manque de souffle général. Ce n’est pas une catastrophe, mais c’est une œuvre inutile, oubliable, symptomatique d’un univers en pilote automatique.




3/10

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