Après plus d’une décennie d’un univers partagé et structuré comme aucune autre saga cinématographique avant lui, Avengers: Endgame s’imposait comme l’événement incontournable du MCU, le film que tout spectateur fidèle attendait. Conçu comme la conclusion de la saga de l’Infini entamée dès Iron Man en 2008 et poursuivie à travers plus de vingt longs-métrages, il avait la lourde tâche de répondre à des attentes immenses : boucler des arcs narratifs majeurs, offrir une revanche à des héros meurtris par la défaite, et garantir une dimension épique à la hauteur de l’investissement émotionnel des spectateurs. De ce point de vue, le pari est rempli : Endgame est une œuvre-sommet, un carrefour narratif qui achève un cycle et ouvre la porte à un autre. Pourtant, à y regarder de plus près, cette réussite s’accompagne d’un revers considérable. En multipliant les clins d’œil et les références, en gonflant artificiellement l’émotion par le fan-service et en aseptisant son propos, le film révèle aussi les limites d’un univers devenu prisonnier de sa propre formule.


Le point de convergence réussi de la saga de l’Infini


Il serait injuste de nier la principale qualité d’Endgame : son efficacité en tant que point de convergence. La construction de la saga de l’Infini repose sur une accumulation d’indices, de sous-intrigues et de dynamiques interconnectées, et le film parvient à orchestrer une conclusion lisible à ce foisonnement. Les retrouvailles entre personnages séparés, le retour de figures disparues et les confrontations finales avec Thanos trouvent une cohérence dramatique qui rend justice à plus de dix ans de construction patiente. À ce titre, le film tient sa promesse d’offrir une véritable catharsis collective : le spectateur est gratifié d’un sentiment d’achèvement, d’un “aboutissement” rare dans le cinéma sériel.


Cette réussite est d’autant plus marquante que peu de productions contemporaines auraient osé miser sur un récit étalé sur autant de films. Endgame devient donc le témoin d’un modèle narratif inédit : celui d’un univers qui emprunte ses codes à la série télévisée, mais transpose cette logique sur grand écran. Il fallait une œuvre-synthèse, un film capable de condenser la multiplicité des trajectoires, et à ce titre, Endgame réussit là où nombre de blockbusters échouent. Le film s’impose comme une “fête des retrouvailles”, une apothéose orchestrée avec un soin calculé, mais indéniablement efficace.

Fan-service à gogo : hommage ou vacuité scénaristique ?


Toutefois, ce rôle de carrefour se double d’une stratégie discutable : le recours massif au fan-service, qui devient le moteur principal de l’intrigue. La décision d’exploiter les voyages dans le temps n’est pas seulement un choix narratif : elle est une excuse pour revisiter, une à une, les grandes heures du MCU. Ainsi, le spectateur est renvoyé dans des scènes mythiques des premiers films, croise des personnages que l’on pensait disparus ou relégués, et retrouve des dialogues conçus comme des clins d’œil complices. Pour certains, ce procédé fonctionne comme un hommage légitime à plus de dix ans de fidélité. Mais pour d’autres, il souligne une vacuité scénaristique : plutôt que d’aller de l’avant, Endgame se retourne sur lui-même et recycle son propre héritage.


Cette logique est d’ailleurs visible dans la réception critique. Plusieurs observateurs ont noté que le film ressemble davantage à un best of du MCU qu’à une véritable histoire originale, parlant même d’un “marathon Marvel compressé en trois heures”. Derrière l’apparente audace du voyage temporel, on retrouve en réalité une mécanique commode pour multiplier les caméos, flatter la nostalgie des fans et masquer la minceur du scénario central. Le spectateur assiste donc moins à une progression dramatique qu’à une longue célébration de son propre attachement à la franchise — une stratégie émotionnelle habile, mais aussi révélatrice de la dépendance croissante du MCU à sa base de fans inconditionnels.


Trop, trop de tout : personnages, messages et esthétique aseptisée


Le piège du fan-service se referme pleinement dans l’excès. Endgame aligne une galerie de héros si pléthorique que nombre d’entre eux deviennent des figurants, réduits à quelques répliques ou à une apparition lors du combat final. La promesse d’une grande réunion vire à la saturation : l’abondance empêche la profondeur. Ce choix, censé célébrer l’unité des Avengers, a pour effet pervers de lisser le récit, de le transformer en mosaïque sans réel centre de gravité. Le spectateur passe d’un visage à l’autre sans jamais retrouver la tension dramatique qui faisait la force d’Infinity War.


À cela s’ajoute un autre écueil, régulièrement souligné : l’esthétique et le discours trop “aseptisés”, typiquement estampillés Disney. Là où l’on aurait pu attendre une confrontation désespérée, brutale, sombre, le film choisit le spectaculaire lisse et le consensus. Les sacrifices, les pertes et les ruptures sont présents, mais souvent neutralisés par une mise en scène grandiloquente qui gomme les aspérités. Dans cette logique, certains messages apparaissent surlignés, jusqu’à perdre leur force. L’exemple le plus souvent cité reste la fameuse séquence féministe du combat final, où toutes les héroïnes apparaissent regroupées dans un plan pensé comme un manifeste visuel. Si l’intention d’honorer la place des personnages féminins est louable, la scène est si forcée qu’elle frôle la caricature, réduisant des héroïnes complexes à un simple effet de manche. Même des acteurs du MCU, à l’image de Scarlett Johansson, ont critiqué la manière dont leurs personnages ont parfois été hypersexualisés ou instrumentalisés pour des effets de surface. Ce mélange de messages trop voyants et de prudence narrative illustre parfaitement la “patte Disney” : une volonté d’inclusivité sincère, mais affaiblie par son excès de calcul et de mise en scène.


Avengers: Endgame restera comme une étape charnière, incontournable pour tout spectateur souhaitant comprendre la transition entre la saga de l’Infini et celle du multivers. Sans ce film, impossible de saisir les développements ultérieurs des séries Disney+ ou des films qui explorent la fragmentation des réalités. Mais une fois cette nécessité reconnue, demeure l’impression d’un film plus fonctionnel que véritablement inspiré. En multipliant les clins d’œil et les personnages, en aseptisant son propos et en sacrifiant la profondeur sur l’autel de la célébration, le MCU a livré une conclusion spectaculaire mais inégale, dont l’émotion repose davantage sur la nostalgie que sur la puissance intrinsèque du récit.

Pour toutes ces raisons, Endgame mérite une note mitigée, loin de l’unanimité dithyrambique de certains fans. C’est une apothéose, oui, mais une apothéose calibrée, trop consciente d’elle-même, qui confond grandeur et accumulation. Une œuvre charnière et spectaculaire, certes, mais aussi un symbole des limites du modèle Marvel. Nécessaire mais oubliable.

4/10

Missingno718O
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Superhero, MCU, Marvel, The Infinity Saga et Phase Three

Créée

le 15 sept. 2025

Critique lue 5 fois

Missingno718O

Écrit par

Critique lue 5 fois

D'autres avis sur Avengers: Endgame

Avengers: Endgame
Sergent_Pepper
5

Endgame of stones

Il s'installe en ce mois d’avril une ambiance fin de règne sur la planète pop qui a paradoxalement de quoi réjouir. J’aime voir les compteurs s’affoler et un certain nombre de générations bruisser...

le 28 avr. 2019

206 j'aime

34

Avengers: Endgame
Moizi
1

Digne d'un yaoi amateur

Je suis abasourdi par tant de nullité. Je veux dire, je sais que ça va être nul, j'y vais pour le plaisir mesquin de détester ce que tout le monde aime... et je suis à chaque fois étonné par la...

le 30 avr. 2019

166 j'aime

22

Avengers: Endgame
Behind_the_Mask
9

Le super héros, la mort et le temps

Bien sûr, la salle était pleine, surtout day one. Un autre résultat aurait été analysé immanquablement comme un signe d'échec pour Marvel. Ce qui l'était moins, c'était ce public faisant le pied de...

le 24 avr. 2019

147 j'aime

36

Du même critique

Avengers: Endgame
Missingno718O
4

#9 - Fan service à gerber

Après plus d’une décennie d’un univers partagé et structuré comme aucune autre saga cinématographique avant lui, Avengers: Endgame s’imposait comme l’événement incontournable du MCU, le film que tout...

le 15 sept. 2025

Anelka - L'Incompris
Missingno718O
6

#5 - Anelka, un con pris

Évaluer Anelka, l’incompris s’avère délicat tant le personnage central, Nicolas Anelka, a longtemps été perçu comme insupportable, individualiste et imprévisible. Le documentaire cherche à proposer...

le 27 août 2025