Après quarante ans de rivalité plus ou moins cordiale, il n’y a plus rien d’étonnant à voir que les choix de Schwarzenegger et de Stallone se répondent. Quand l’un sort sa série sur Paramount en 2023, l’excellente Tulsa King, l’autre s’affiche la même année dans sa propre série Netflix, Fubar (un acronyme de Fucked up beyond any recognition => "foutu au point de ne plus être identifiable").
Sauf que là où Stallone a eu le nez fin avec son histoire de sympathique mafieux, s’entourant pour l’occasion de collaborateurs ayant bossé sur Les Soprano, Schwarzenegger eut un peu plus de mal à convaincre avec la première saison de Fubar, une série d’espionnage mêlant l’action à l’humour et lorgnant clairement sur True Lies avec ce père et cette fille, Luke et Emma Brunner (la talentueuse et ravissante Monica Barbaro), cachant leur métier d’agents secrets au reste de leur famille. Si bien qu’au début le père lui-même ignore que sa fille est tout comme lui, une espionne de la, et l’apprend à son grand désarroi. Très vite, ils doivent collaborer, s’entourant d’une équipe hétéroclite à la vanne facile et luttant contre un vilain terroriste sud-américain incarné par le Rev-9 du Terminator Dark Fate de Tim Miller (Gabriel Luna, plutôt convainquant). Jouant principalement sur l’opposition père-fille, les prises de tête, les faux-semblants et une relation de fils spirituel (le bad guy) trahi par l’homme qu’il admirait (Luke), la première saison pâtit de trop nombreuses baisses de rythme et d’un scénario sans grande originalité.
L’humour ne fonctionne pas toujours, les scènes d’actions sont téléphonées, le scénario bourré de raccourcis, et les personnages secondaires un peu trop mis de côté. Bref, il manquait clairement quelque chose à cette première saison pour se démarquer de la mêlée de programmes Netflix.
En cela, la deuxième saison rattrape les carences de la première. Délirante à souhait, elle poursuit là où on avait laissé nos héros tout en les confrontant à une nouvelle menace. Commanditée par le mystérieux Dante Cress, un implacable génie du crime dont personne n’a vu le visage (vous m’avez compris...), Greta (Carrie Ann-Moss), une espionne qu’a aimé autrefois Luke, a prévu de saboter le réseau électrique des États-Unis et de causer un énorme blackout qui, à court terme, destabilisera toute l’économie mondiale. Déterminée à l’en empêcher, l’équipe doit composer avec un ex complexé, une épouse délaissée, un nouveau patron dépassé, une taupe, un agent fou d’amour pour un cochonnet, une loque humaine qui ferait passer Jeffrey Lebowsky pour un gars chicos, et un agent renégat du MI6 au service de l’ennemi mais fou amoureux d’Emma. Tout ce petit monde va aligner les situations les plus délirantes, flinguant d’ignobles porte-flingues à la pelle et avec humour, tout en créant des liens tout à fait improbables. Les dialogues sont savoureux, les punchlines fusent à foison, les références à Conan le barbare, à Total Recall et à Terminator font sourire, les séquences d’action sont bien mieux emballées qu’auparavant et l’humour, souvent macabre, irrésistible. Surtout, cette nouvelle saison gagne énormément dans l’arrivée de deux nouveaux personnages, l’antagoniste Greta, et son flirt constant et débridé avec Luke, et surtout Chips (Guy Burnet, vu dans Oppenheimer), son homme de main anglais, sorte de caricature de James Bond qui aurait mal tourné, et qui, contraint et forcé par l’amour qu’il porte à son crush, rejoint très vite le camp des "bons". Entre son romantisme à gros souliers, ses digressions délirantes, ses réflexions souvent à côté de la plaque, et sa façon de flinguer sans la moindre considération les vilains sbires de Greta, le personnage est bien le meilleur argument de cette saison qui a aussi pour mérite de mieux développer la caractérisation de tous les autres.
Alors oui, Fubar n’est peut-être pas la série du siècle, loin de là. Mais sa coolitude et le capital sympathie de ses personnages, rehaussés par une seconde saison rattrapant la médiocrité de la première, en font clairement une chouette comédie d’action. À réserver aux fans de Schwarzy et de tanks qui se conduisent cigare aux lèvres. Et aux grands enfants qui s’amuseront de voir des marionnettes parler dans des submersibles appartenant à James Cameron, à 900 mètres de profondeurs.
" - Je peux toujours demander à mon pote James Cameron qu’il nous en prête un.
- James Cameron ?
- Crois-moi, James Cameron a plus de sous-marins que toute la Navy."