Fullmetal Alchemist
7.6
Fullmetal Alchemist

Anime (mangas) Animax (2003)

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Une adaptation audacieuse, intelligente et mature

La première adaptation animée du manga Fullmetal Alchemist, alors que les premiers tomes connaissent un succès inattendu, est une adaptation très particulière, d’abord relativement fidèle au matériau d’origine avant de devoir dériver vers des horizons et un aboutissement qui lui sont propres, le manga étant encore loin de la fin de sa publication. Cet animé est réalisé par Seiji Mizushima, qui réalisera notamment l’un de mes animés préférés avec la première saison de Mobile Suit Gundam 00 au sein d’une carrière avec ses hauts et ses bas. Je vous propose l’écoute du magnifique thème chanté Brothers pendant la lecture.


Pour cette critique je vais déjà parler de la première partie de l’animé plutôt fidèle au manga avant de voir sa seconde partie beaucoup plus originale. Tout d’abord, même très tôt dans l’animé il arrive qu’il y ait quelques modifications dans la mise en scène pour des passages similaires, souvent plutôt bienvenues comme au début avec Rose qui amène les frères au père dans le premier épisode plutôt que de s’y faire amener par eux, illustrant son aveuglement. On retrouve aussi très souvent dans les épisodes les plus fidèles au manga au moins une petite idée originale, une petite variation qui fait que l’adaptation n’est jamais paresseuse, toujours à la recherche d’un élément de différenciation tout en étant pertinent et réfléchi.


Il est bon de rappeler que c’était une volonté d’Hiromu Arakawa que l’adaptation animée soit différente de son œuvre originale :



Dès qu’il a été prévu d’adapter Fullmetal Alchemist en animé, j’ai insisté auprès du réalisateur pour qu’il crée sa propre histoire à partir de mon manga. Deux goûts pour le prix d’un, c’est l’avantage d’avoir accès à plusieurs médias pour adapter une même idée.



Mais surtout, le deuxième épisode montre une toute autre ambition et implémente beaucoup plus de péripéties intermédiaires inédites, la victoire est plus difficilement acquise, le piège tendu à Cornello est plus élaboré, Lust est plus introduit comme antagoniste de puissance et dans l’ombre… et le passage inédit avec Caïn est d’une maturité assez impressionnante. Pour le coup, je suis d’accord avec quasiment toutes les différences par rapport au manga et même dans la forme, la musique de fin de l’épisode est excellente pour conclure tout ça, comme une version longue plus riche en contenu intéressant et mieux présentée.


J’ai eu le même ressenti pour l’arrivée à Central avec Tucker qui est aussi plus conséquente en contenu. Elle présente une période d’examen mêlée à l’intrigue avec la chimère, pour marquer la progression de Ed qui a déjà tous ces acquis dans le manga. La décision extrême de Tucker est plus justifiée et ça permet d’aborder le côté plus sombre des alchimistes d’État, une thématique au combien importante dans le récit qu’il était pertinent d’introduire davantage. L’animé profite intelligemment du temps supplémentaire qu’il s’alloue très intelligemment la plupart du temps.


L’ajout discret de Lust dès l’épisode 1 puis par petites touches alors que son arc narratif se développera dans des événements supplémentaires au laboratoire 5, l’incendie de la bibliothèque plus cohérent car résultant de l’affrontement entre Scar et Lust, le voyage dans le train vers Central présentant un Mustang plus manipulateur, une dangerosité plus explicite des otages… constituent autant d’exemples de variations au service d’une intrigue plus complexe, plus cohérente et plus mature que l’intrigue originale.


Parallèlement à cela, des chapitres un petits peu annexes du manga peuvent avoir été déplacés dans l’intrigue et complétés par de tous nouveaux arcs narratifs secondaires dont la qualité n’est pas toujours exceptionnel mais jamais manqué à mon sens. Le rythme est aussi très différent avec une dizaine d’épisodes qui peuvent parfois séparer deux chapitres se succédant dans le manga. Pour le coup, il s’agit de réajustements pour rendre cohérente cette adaptation, ce qui est très bien et montre que ce travail de réécriture par Shō Aikawa est très réfléchi bien que ces changements de rythme ne constituent pas une plus-value en soi, le rythme du manga étant très bien de base.


Ce sont encore une fois et surtout les variations scénaristiques qui importeront le plus, comme tout le passage au labo 5, où l’intrigue commence à devenir réellement différente. Le passage est ici beaucoup plus riche en péripéties, en drames, en affrontements… les liens sont faits avec beaucoup d’intrigues annexes semblant jusqu’ici sans lien avec la trame principale. Le manga allait beaucoup plus vite et de façon beaucoup plus simpliste sur ces péripéties, ne comptant pas dessus pour développer son intrigue plus que ça, ce qui était un choix et non un défaut mais cette réinterprétation de l’animé a beaucoup de mérite par conséquent.


Afin d’accélérer les révélations sur l’intrigue principale qui va se conclure bien plus rapidement que dans le manga, une multitude de choix vont être faits en ce sens. Par exemple, toute l’intrigue supplémentaire sur l’île avec l’enfant homonculus permet de développer le cœur de l’intrigue très tôt vis-à-vis du bras et de la jambe d’Ed et ça permet aussi de donner plus de sens au moment où Izumi arrive à la rescousse alors qu’elle venait d’être en conflit direct avec les frères. Ça devient ainsi beaucoup plus que les allures de péripéties intermédiaires du manga qui semblait à ce moment-là se contenter de cocher la case senseï dans le cahier des charges du shōnen.


Un autre exemple à cela concerne la mort d’un personnage :


Toute la succession de combats menant à la mort de Lust est également skippée mais en même temps elle dispose de scènes inédites comme dans l’épisode les retrouvailles qui font partie de ses meilleures apparitions de toute l’œuvre. Le personnage qui était un antagoniste impitoyable, la séduction n’étant qu’une arme de plus pour elle, devient plus nuancé au final dans cette adaptation avec comme des moments de doute qui apparaissent, rendant d’autant plus impactant ses actes impitoyables survenant après ces moments pour une maturité, une gestion du suspens et une intensité dramatique admirables.


Des idées originales apparaissent ainsi avec les personnages déjà établis tout en restant très cohérentes avec les bases posés par le manga et les nouveautés propres à cette adaptation, Winry pense par exemple que Mustang est responsable de la mort de sa mère et la révélation contraste avec le dévouement d’Hawkeye et de Hugues qu’elle constate à son égard, ce qui entretient vraiment le suspens sur comment cette révélation va impacter le récit, bien que ce soit une idée reprise du manga. Ça sera exactement la même chose avec le personnage de Martel qui disparaît de la même façon que dans le manga mais plus tard et dans un contexte plus intéressant, car source de davantage de suspens.


Les intrigues suivantes dans le manga ne sont pas introduites, afin de ne pas tomber dans le piège de développer un univers trop grand pour son récit, et si les personnages inédits liées à ces intrigues manquent nécessairement au lecteur du manga dans cet animé, ceux créés dans cette version ne sont pas à oublier pour autant. Sloth est le bon exemple du personnage secondaire sans aucun intérêt scénaristique dans le manga, ça ne veut pas dire qu’il était raté mais qu’il n’y avait aucune ambition vis-à-vis de lui sur cet aspect-là, alors que là le personnage est très différent et mille fois plus intéressant.


Je trouve les idées scénaristiques de cet animé brillantes sur sa toute fin et je vais même aller jusqu’à dire que je préfère ce dénouement à celui du manga original, et par extension de Brotherhood, même si c’est tellement différent que ce n’est vraiment qu’une question de goût. De la même manière, je trouve l’utilisation des sept pêchés capitaux et de leur symbolique bien mieux exploitée dans cette version, les homonculus, incarnations de ces pêchés, ayant une origin story approfondissant davantage le lien entre un personnage et un pêché que dans le manga.


L’OST, composée par Michiru Ōshima qui s’était fait remarquée pour sa composition dans le jeu vidéo Ico, fait à peu près tout correctement mais se distingue tout particulièrement dans les registres mélancoliques à mon sens, parfaitement en accord avec l’ambition dramatique de certaines scènes, bien plus que dans Brotherhood à mon avis. Empruntant par moment des morceaux de musiques classiques tels que la cinquième symphonie de Beethoven, les meilleurs moments de l’animé bénéficieront beaucoup de cette OST. Par ailleurs, les doublages japonais, qui sont les seuls que j’ai entendu, sont évidemment de grande qualité, on en attendait pas moins pour une œuvre de cet acabit avec notamment la performance de Romi Park et Rie Kugimiya, des femmes qui doublent superbement bien Edward et Al, de jeunes garçons.


Si quelques dessins manquent de détails, même quand ils sont au premier plan, l’animation a le mérite d’être aussi dynamique que l’exige ses combats frénétiques avec une chorégraphie très convaincante, la direction artistique est dans le respect du manga sans le recopier bêtement, à l’image de l’animé dans son intégralité en fait, pour une réalisation très satisfaisante à mon sens. Par ailleurs, 4 opening et 4 endings ont été réalisés et ils sont très différents les uns des autres, aussi bien dans leur style que dans leur qualité, petite aparté sur eux avant de conclure :


Le premier générique d’opening, qui sert d’ending au premier épisode de façon assez ingénieuse, est entraînant avec nos protagonistes prenant des poses assez classes avec un certain travail graphique pour iconiser des plans comme sur l’automail d’Edward, vraiment pas mal, il est d’ailleurs réalisé par Yasuhiro Irie qui réalisera l’autre adaptation animée Brotherhood. Le premier ending sent par contre déjà beaucoup plus l’économie de moyens avec beaucoup plus de plans statiques et une dichotomie entre des plans visuellement mélancoliques et la musique survitaminée, une première erreur à ce niveau-là.


Le deuxième opening ne rattrapera pas vraiment le coup, beaucoup plus énervé et éloigné du style musical que j’affectionne, et c’est très chaotique dans les visuels avec de l’action, de l’humour, de la mélancolie… mélangés un peu n’importe comment, je regrette mon premier opening. Mais quand il y a un qui se plante, l’autre est superbe, le deuxième ending est très joli, chargé en mélancolie malgré la musique un peu entraînante mais ça marche plutôt bien sur moi, et j’adore ce plan symbolique où Ed tend ses mains sous la neige, les flocons fondant sur la main organique, se déposant sur sa main métallique.


Le troisième opening est assez moyen, quelques plans sont inspirés et le dynamisme de l’action s’accorde bien avec la musique mais rien d’extra-ordinaire et je n’apprécie pas trop la voix chantée masculine. Le troisième ending je ne l’ai pas compris au premier visionnage, je ne l’ai toujours pas compris, ce focus plutôt comique sur Winry qui sort un peu de nul part sous une musique qui ne s’y prête pas spécialement, et puis encore une fois le nombre de plans statiques pour l’économie de moyens…


Le quatrième opening relève de nouveau le niveau avec cette première partie lente sur des visages résignés avant d’arriver sur un déluge d’action super bien chorégraphiée et mettant en scène plein de personnages différents en suivant le rythme de la musique, c’est vraiment très bien. Si le quatrième ending sent encore l’économie de moyens, il y a un bel effort de montage avec le rythme de la musique, des couleurs sépia assez marquées… donc je le trouve pas trop mal, sachant que l’animé ne se terminera pas dessus.


En somme, d’abord une adaptation aux allures de version longue avec des variations au service d’une intrigue plus complexe, plus cohérente et plus mature que l’intrigue originale, puis une nouvelle œuvre originale trouvant le compromis entre les bases d’un univers déjà établi et les idées propres à cette version : Fullmetal Alchemist est une adaptation audacieuse, intelligente et mature d’un manga qui a toute ma sympathie, si cet animé avait en plus une réalisation plus époustouflante il pourrait parfaitement s’inscrire parmi mes animés préférés.

damon8671
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le 2 mai 2020

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