Game of Thrones
8.2
Game of Thrones

Série HBO (2011)

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A Chronicle of the Wars of Following the Death of King Robert I

Tel aurait pu être le titre de la série mais il aurait été trop long et moins poétique. C'est en tout cas ce que dit Samuel Tarly, un intello bouffi au coeur brave à son mentor, le Maistre Marwyn et auteur de ces chroniques. Sam s'ingéniera à changer le titre. Il y parviendra tout à la fin, transformant les chroniques en chansons de glace et de feu, sous-titre des livres de GRR Martin dont s'inspirent la série. Le parallèle entre Samuel et GRR Martin, physiquement pas si éloigné, est tout tracé et la série lui rend hommage. La boucle et bouclée. La notion de cycle, de boucle, est d'ailleurs fondamentale dans cette série.


Quelle série !


Cela tient d'abord aux personnages. Ils sont pléthoriques, impossible de tous les citer mais beaucoup sont particulièrement réussis. Ni gentils ni méchants, cruels parfois, pragmatiques ou fou, lâches ou courageux. On se prend d'affection pour les plus odieux et on pleure pour les plus gentils. Durant 8 saisons on apprend à découvrir plusieurs grandes familles qui s'affrontent pour prendre le pouvoir.


En effet, le roi Robert, mort suite à différents complots ourdis contre sa personne controversée, laisse le trône de fer vide. Ce trône gouverne différentes maisons : les Stark, les Targaryen, les Tyrell, les Lannister, les Fers Nés, entre autres. Deux familles sortent du lot : les Stark et les Lannister. Les premiers sont une paisible famille du nord, dirigée par un père attachant (Sean Bean) et des enfants au caractère qui va évoluer au fur et à mesure de la série, à commencer par John Snow (un bâtard recueilli par les Stark (je n'en dirais pas plus)), Aria, Sansa et Bran, parmi d'autres. Aria, avec son côté garçon manqué, provocatrice, presque violente est absolument attachante. Sansa a plus l'allure d'une princesse, d'une dame de la noblesse mais possède un vrai sens politique. Bran a un destin singulier que je laisse découvrir pour ceux qui n'ont pas vu la série. Quant à John Snow, incarné par Kit Arington, il s'est imposé comme le héros principal de la série.


De l'autre côté, on a les Lannister, le père, un homme cruel et pragmatique, aux faux airs d'élégance, Jamie et Cersey, deux jumeaux aux relations incestueuses, et Tyrion, un nain obsédé par le sexe, alcoolique mais subtil et attachant. Un des meilleurs personnages de la saga. Il y a aussi une flopée d'enfants de Cersey qu'elle "a eu" avec le roi Robert, du moins c'est ce qu'elle dit : le fou Joeffrey, et des enfants aux destins annoncés comme complexes, en fait enfants de Jamie, fruits d'un inceste, bonjour l'ambiance de famille.


Enfin on trouve dans un troisième arc narratif Daenerys Targaryen, héritière du trône de fer puisque son père y était assis avant de se faire assassiner pour folie et remplacé par Robert Baratheon. Plus la série avance et plus cet arc narratif grandi et à titre personnel je le trouvais ennuyant en début de série pour devenir époustouflant sur la fin.


A côté d'eux, on trouve des mercenaires, des personnages qui passent et repassent dans cette nébuleuse comme les gardes de la nuit qui protègent le royaume avec un mur immense d'une menace qui gronde, autre thème central de la série. On découvre pléthore de peuplades, de coutumes, de personnages (souvent passionnants, Baelish, Bron, Le Limier, La Montagne, Hodor, et j'en passe...) , de villes, de paysages et de créatures car la série est à la fois réaliste et fantasy. On retrouve des dragons et des zombies, sans que jamais cela n'entâche le côté cru de l'intrigue. C'est assez fort. Car dans la crudité, on trouve nombreuses intrigues inspirées de l'histoire, des complots entre rois, seigneurs, des situations géopolitiques qui s'invitent dans notre imaginaire européens. On a eu notre lot de rois fous et d'intrigues et le plus fou c'est que de ce point de vue, la série retranscrit et n'invente presque pas !


On est ici dans une série HBO, qui nous avait gratifié déjà de Rome, une série historique crue et à l'intrigue complexe dont Game of Thrones emprunte plusieurs ingrédients : une partie du casting anglais (très bon dans l'ensemble avec certains acteurs que j'adore) et une crudité bienvenue (du sexe et de la violence).


On peut ajouter que l'histoire qui se développe est remarquablement cohérente puisque l'auteur des livres, Georges R.R. Martin veille au grain (même s'il y a des différences notables avec les livres). A la fin de la saison 7, les portes ouvertes commencent à se refermer peu à peu et on entrevoit une fin possible à la série sans avoir le sentiment de gâchis comme dans le cas de série comme Lost, How I Met Your Mother qui terminaient en jus de boudin.


Ajoutons que la musique, le générique, les décors (filmés parfois en réel : à Dubrovnik notamment) participent de cette remarquable série, haletante, excitante, aguichante de bout en bout. Certes certains arcs narratifs (longueurs avec Daenerys, longueurs avec Aria, longueurs avec Bran parfois...), certains épisodes sont moins bons mais chaque saison a apporté ses surprises, battant des records d'audience et de spoilers à chaque fois : on y retrouve les mêmes éléments qui fonctionne à chaque fois : un méchant monstrueux, des femmes séduisantes, des héros extrêmement téméraires, des complots politiques, des morts injustes. Et malgré cela la série a su surprendre, jusqu'à tuer des personnages centraux de l'intrigue sans aucun remord. Elle a osé beaucoup, c'est sa force, même si elle tente moins sur les dernières saisons pour essayer de laisser plus de place à l'action et à la résolution de l'intrigue. Au fil des saisons, elle a gagné en splendeur : elle est désormais magistralement réalisée avec un budget colossal et des scènes dantesques (dragons, batailles et j'en passe). A tel point que la série est de moins en moins une série, de moins en moins artisanale, de plus en plus chiadée et s'approche du très long métrage. Son point d'acmé est probablement la saison 4, ponctuée par d'innombrables rebondissements et intrigues savoureuses. A l'inverse la saison 5 est le ventre mou de la série même si ça reste de bonne facture.


Là où beaucoup de série se sont essoufflées, Game of Thrones a su se renouveler, tenir et proposer des saisons de qualité. J'en reveux.


Certes, les dernières saisons se précipitent, parce qu'il faut boucler les arcs narratifs, parce qu'il faut finir ce qui a été commencé, ce qui fait jaser bien entendu, parce que cela ne correspond pas aux souhaits et voeux de chaque fan, et que tout s'accélère. On pourra reprocher aux showrunners d'avoir condensé ce qui méritait 3 ou 4 saisons de plus mais la contrainte de temps qu'ils se sont fixés a quand même du bon. Elle a obligé à condenser les intrigues, transformant chaque bataille en affrontement dantesque et multipliant morts, retournements de situations et émotivité à chaque scène. Chaque dialogue devenu prophétique ou sous forme d'adieux prend ainsi une valeur énorme, chaque mort arrive douloureusement. Il faut bien se résoudre à dire adieu à un univers que l'on adore. Ce que perd en cohérence, en précision la série, ce qui faisait en partie son charme, elle le gagne en spectaculaire en émotion. De plus, la grande force de la série c'est certes son histoire mais c'est surtout ses personnages et voilà pourquoi leur destiné, cruelle souvent, décidée par les scénaristes, divisent et font débat. On les aimait ces nains ivrognes, ces sanguinaires tyrans, ces chevaliers invicibles. On en parlera encore dans des années, c'est le signe des grands crues. Aucune série n'a été aussi aboutie que celle-ci. Les épisodes devenus des films ont brisé les barrières entre cinéma et série.


Je voudrais revenir sur les paradoxes des fans. On reproche à la série d'avoir été trop axée sur la fantasy dans les dernières saisons et lorsque la fantasy disparait pour le retour aux intrigues politiques classiques, on s'en plaint. Plus encore, on reproche que certains épisodes manquent de réalisme alors que précisément on est dans un univers d'héroic-fantasy. On se met à chipoter sur des détails dont on ne soucierait pas dans une série lambda. On se focalise sur le réalisme le plus absolu, plutôt que sur ce qui fait le sel de la série : les personnages hauts en couleur, les complots, les intrigues, voire le soap opéra (triangles amoureux et autres...) C'est pas comme si on était dans un univers imaginaire hein ? Il faudrait que le produit livré soit conforme à la moindre attente de chaque fan. Or, une oeuvre appartient à ses créateurs avant d'appartenir à ses spectacteurs. Et le degré d'intimité des fans avec l'oeuvre est tel que justement cette évidence n'en est plus une et l'expérience devient nécessairement déceptive. L'objectivité n'est plus de mise. Ca en dit long sur la force culturelle et l'imaginaire de cette série.


Peut-être que si on accorde tant d'importance et qu'on épuise les débat sur des menus détails, c'est que cette série n'a rien d'ordinaire. Elle est hors norme, dans la passion qu'elle a suscité de part le monde et dans les débats qu'elle a provoqué. Possédant tout : un budget faramineux, des acteurs exceptionnels, une musique mémorable, un univers d'une grande profondeur et un scénario subtil, elle a marqué à jamais le paysage audiovisuel. On est pas prêt de re-frissonner à ce point avant longtemps. Les frissons, pour une série dont l'un des sujets est l'hiver qui arrive, ça se tient.

Tom_Ab
9
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le 29 août 2017

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Tom_Ab

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