Le culte de la "beaufitude"
Qu'on se le dise, d'apparence cette série apparait comme un nanar suprême. Tous les personnages sont caricaturaux, voire absurdes. Les clichés et les blagues semblent de mauvais goût. Et pourtant, c'est précisément une série qui utilise comme principal ressort le second degré. Kenny Powers, ce joueur de baseball grassouillet, déchu et vulgaire, égoïste et salop fini est, en effet, malgré les apparences, attachant. Derrière les kilos de jurons et de blagues salaces qu'il balance, se cache la sensibilité d'un type mal dans ses baskets. La série se fait ainsi de plus en plus touchante. Et derrière les pantacourts et les marcels, la coupe mulet vintage, les grosses lunettes de soleil, les jeeps rutilantes et le jet-ski violet, comble de la beaufitude, se cache une réflexion sur l'Amérique. Ce second degré est grinçant et la critique implacable. Tous les personnages sont beaufs à leur manière, entre Stevie, ce prof de musique ringard devenu l'assistant maladroit et niais de Kenny Powers, entre April, cette ex de Kenny, avec sa paire de seins incroyable et sa naiveté, et Ashley Schaeffer, ce concessionnaire en smoking blanc, avec des cheveux blonds immondes, interprété par l'excellent Will Ferrell, la série semble accumuler les clichés sur la famille américaine, sur les immigrés hispaniques, sur la drogue, sur le sport. Mais, ce culte de la beaufitude est poussé à un tel extrême, qu'il apparait clairement que c'est du second degré. Et s'en est drôle, très drôle même.
L'antihéros en quête de rédemption
Du coup, cette absurdité extrême a pour conséquence que, contrairement à la plupart des séries, où les personnages sont soit lisses (dans les séries comiques) soit carrément proches de la psychose (dans les séries d'actions), ici on a un antihéros qui finalement nous ressemble. Derrière la caricature c'est le côté humain qui ressort. Qui est Kenny Powers, si ce n'est une ex-star du baseball qui peine à se reconvertir, qui devient un prof remplaçant et dont l'ego démesuré le fait déprimer ? Un personnage déprimé, errant sans but, amoureux, maladroit et ringard. Les gens qu'ils croisent ont tous des faiblesses, mais aussi des côtés touchants et sont finalement normaux dans leurs côtés caricaturaux.
La critique de l'Amérique
Toute la série a finalement pour but de jouer avec la morale. Elle parle de drogue, de sexe et mets en avant les actions illicites des personnages. Elle vient critiquer la moralité et la pudibonderie. Mais aussi, elle traite des problèmes d'argent et de trafic, de l'immigration, sans en faire une fin en soi. En effet, cette série est d'abord drôle et n'a aucune morale lénifiante. C'est encore une fois à travers la caricature que la critique vient. Ces petites vieilles qui jouent pour gagner tous les championnats de bowling et dont l'une des championnes pleure ridiculement lorsqu'elle perd, comme si sa vie était en jeu : une façon de critiquer avec humour le ridicule de cette vie, finalement minable. C' est aussi dans la famille de Kenny Powers que la critique se perçoit. Lorsqu'il arrive chez son frère, il découvre sa femme, un peu coincée. Kenny Powers prends alors un malin plaisir à la choquer, à sortir des propos injurieux devant elle. Une manière de se moquer aussi de ce type de personne. Finalement, Kenny Powers est une série qui ne se prends pas au sérieux, qui caricature à outrance et c'est cette outrance, ce culte du "beauf", du "kitsh", jusque dans les moindres détails, qui laisse surgir la critique et la moquerie et qu'on rit beaucoup.