Leverage (TNT, 2008) constitue un exemple particulièrement réussi de série procédurale qui parvient à allier divertissement accessible et construction narrative rigoureuse. En lui attribuant une note de 8/10, je souligne ici la qualité de son exécution, sa capacité à exploiter pleinement les codes du genre du "casse" tout en y insufflant une dimension éthique et sociale qui l’élève au-dessus de nombreuses productions comparables.
La force de Leverage réside d’abord dans la maîtrise de son format. Chaque épisode suit une structure bien rodée : une victime, un coupable, un plan complexe et une résolution satisfaisante. Ce canevas, qui pourrait rapidement devenir mécanique, est habilement dynamisé par des variations constantes dans les méthodes employées, les types de cibles et les contextes abordés. Le spectateur se laisse ainsi prendre au jeu, curieux de découvrir à chaque fois quelle stratégie sera mise en œuvre par l’équipe.
La caractérisation des membres de l'équipe est pensée pour assurer une complémentarité optimale : Nathan, le stratège brisé mais lucide ; Sophie, l'arnaqueuse raffinée en quête d’identité ; Parker, l'acrobate sociopathe au charme désarmant ; Eliot, le combattant loyal et pragmatique ; Hardison, le technicien facétieux et brillant. Chacun incarne une fonction narrative précise, assurant non seulement la réussite des missions, mais également la dynamique humaine qui sous-tend la série. Cette répartition des rôles confère à la narration une lisibilité immédiate tout en permettant un attachement progressif du spectateur.
Au-delà du divertissement pur, Leverage propose une critique sociale assumée. Les antagonistes sont systématiquement des figures du pouvoir abusif : institutions bancaires, entreprises pharmaceutiques, cabinets d’avocats corrompus ou responsables politiques cyniques. Sans jamais sombrer dans un didactisme lourd, la série questionne les dérives d’un système où la justice institutionnelle peine parfois à protéger les plus faibles. Ce positionnement apporte une résonance morale qui justifie l'empathie envers les "héros hors-la-loi".
Si la série maintient un bon niveau de qualité sur plusieurs saisons, une certaine prévisibilité finit néanmoins par s’installer. Les enjeux personnels des personnages, bien qu’esquissés, auraient parfois mérité un traitement plus approfondi afin de renforcer l’évolution psychologique de chacun. Cette relative stagnation dramatique limite quelque peu la portée émotionnelle de l’œuvre sur le long terme.
Leverage n’ambitionne pas de révolutionner le genre, mais démontre avec constance une remarquable capacité à en maîtriser les codes. Sa construction rigoureuse, la qualité de son écriture et son positionnement moral en font une série qui mérite largement l’attention, et qui parvient à conjuguer efficacité, divertissement et réflexion avec un rare équilibre.