Lost in time

Difficile de parler de Lost sans l'associer à une période charnière de ma vie, en l'occurrence mes années collègues et lycée. Elle incarne à mes yeux une époque révolue où la consommation des séries n'avait rien à voir avec aujourd'hui. Je suis tombé dessus par hasard dans un vidéoclub et j'ai dévoré les trois premières saisons en 15 jours. Je suis ensuite passé à la diffusion américaine, un épisode chaque semaine visionné sur des sites de streaming douteux. La qualité vidéo était mauvaise, l'attente était insoutenable, mais peu importait : on voulait notre dose. Car c'était ça Lost a cette époque : une addiction.

Les deux piliers qui font de cette série une œuvre magistrale sont selon moi sa mythologie et ses personnages.

Les premières saisons, intrigantes, mystérieuses et parfois angoissantes, posent les fondations d’un univers dense qui ne fera que croître au fil des épisodes. À partir de la saison 4, la série opère un virage SF inévitable vu la surabondance de mystères mis en place. Ce changement m'a personnellement totalement embarqué. Avec chaque réponse surgissent cinq nouvelles questions, et c’est justement ce saut dans l'inconnu qui rend l’expérience autant immersive.

La série repose grandement sur ses personnages, construits avec soin grâce aux fameux flashbacks. Ce dispositif, qui aurait pu briser le rythme, s’avère finalement judicieux : il apporte de la profondeur aux différents rescapés, éclaire leurs choix et leurs contradictions. Avec leurs 24 épisodes, les premières saisons prennent le temps d'explorer les personnalités de chacun, ce qui permet de créer un véritable attachement pour le spectateur. C'est aussi à ce moment que l'on comprend que personne n’est à l’abri, pas même certains personnages qu’on croyait centraux.

Comment parler de Lost sans évoquer ces twists et ces cliffhangers. Le premier vrai choc en saison 1 est pour moi la fin d'épisode avec Ethan. À partir de là, on comprend qu'on va se faire secouer. Les fins d’épisodes sont parmi les plus haletantes toutes séries confondues, sans parler des fins de saison inoubliables : “We have to go back” (meilleure fin de saison de l'histoire des séries à mon humble avis), l’ouverture du bunker, l'explosion de la bombe... C'est en grande partie pour ça que la série a commencé à dépasser son média, Internet devenait un espace où les débats faisaient rage et les théories les plus folles était avancées. Lost vivait au-delà de sa diffusion et a réussi a créer une forme nouvelle de lien avec les spectateurs.

Il faut aussi malheureusement évoquer le sujet qui fâche : la dernière saison, clairement en dessous des autres. Elle introduit des intrigues bancales, propose des réponses souvent décevantes et peine à conclure proprement l’ensemble. On sent que les scénaristes ont été dépassés par l’ampleur de ce qu’ils avaient créé. Pire encore, certains choix scénaristiques (les flash-sideways) tombent à plat, et je trouve même que certains décors font cheap (le temple, la grotte de Jacob…). La conclusion finale en elle même est symboliquement forte, par contre la scène dans l'église frôle le pathos religieux plutôt malvenu, qui dénote avec l’esprit de la série.

Néanmoins malgré ces faiblesses, il est impossible pour moi de ne pas mettre la note maximale a cette série. Parce qu'on dit que l’important ce n'est pas la destination, mais le voyage. Ca n'a jamais été aussi vrai que pour Lost.