Au pays des aveugles, les hommes en collant sont rois

Je n'ai pas encore vu le film avec Ben Affleck. La raison pour laquelle je me suis laissé tenter par la série, c'est que tous les épisodes sont sortis d'un coup : enfin une chaîne de production qui a compris que le spectateur aime avoir le contrôle sur ce qu'il regarde, qu'il aime pouvoir dévorer une série au rythme qu'il entend et non devoir subir celui de la chaîne. Puis aussi, j'avoue que les critiques enthousiastes m'ont donné envie.

J'avais lu que les auteurs ne misaient pas à fond sur le côté superhéros ; c'était d'ailleurs la condition sine qua non de l'auteur principal, qu'il réaliser cette série comme s'il s'agissait d'un polar et non d'un film de superheros ; il cite en référence : "Taxi Driver" et "The french Connection". Mouais... Je n'ai pas trop vu le lien mais bon...

Alors c'est vrai que le premier épisode m'a surpris. C'était pas génial, mais l'idée est originale : parallèlement à ses activités de justicier un peu sombre (mais pas trop quand même), notre héros ouvre un cabinet d'avocats où il défend la veuve et l'orphelin. Après un tel épisode, je me suis attendu à ce que chaque épisode présente un cas différent liant ses deux professions, et à ce qu'il y ait une petite trame de fond qui fasse lien entre tous les épisodes et qui permette une évolution (genre la plupart des méfaits sont commis par le Big Boss qui ne sera traîné au tribunal qu'à la fin de la saison ou de la saison suivante... En fait non. Passé le pilote, tout se suit et il n'y aura plus vraiment d'intrigue ponctuelle introduite et conclue en un épisode.

Ce qui est dommage, c'est que le boulot de jour de Murdock (non, ce n'est pas l'ennemi juré de McGyver, malheureusement) n'est que trop peu exploité. C'est dommage parce que c'était justement la bonne idée pour éviter d'être trop dans le film de justicier masqué. Au lieu de ça, on a des gens... qui mènent des enquêtes. Oui, le but est de traîner en justice le vilain pas beau de la série, mais les personnages auraient été juste des copains enfermés dans une même pièce que ça n'aurait pas changé grand chose en fait.

Les personnages sont plutôt pauvres. C'est mignon d'avoir affublé le gentil et le méchant d'un passé sordide, mais si c'est tout ce qui constitue les personnages c'est bien mince. À l'une ou l'autre occasion, l'un des personnages vivra un moment difficile qui l'affectera, mais ça s'effacera aussitôt dans l'épisode suivant.

L'intrigue est incroyablement ennuyante. Le problème, c'est que tout est étiré, le moindre dialogue, la moindre scène insignifiante. Du coup, on avance très lentement dans l'intrigue sans que ce ne soit jamais passionnant. Quelques idées ici ou là jaillissent et font plaisir (j'aurai vu une torche humaine continuer à faire du karaté), mais elles sont bien trop rares. Et parfois c'est même très Z (le héros qui apparaît de nulle part en faisant des culbutes à la Xéna... au moins dans le show produit par Sam Raimi, il y a un second degré assumé, ici pas vraiment, c'est du pur sérieux! ).

Pire que tout ça, les épisodes se ressemblent. À plusieurs moments j'avais l'impression de voir la même chose, ou tout au moins la même structure (commencer et terminer par un combat) ; cela n'arrange vraiment pas les choses, et renforce l'idée que l'intrigue n'avance pas qu'on pourrait dès lors sauter un épisode sur deux sans que cela pose des problèmes de compréhension.

Le côté sombre se révèle pauvrement exploité. Au final, Daredevil n'est pas si radical que cela et laisse s'échapper bon nombre de ses adversaires. S'il suffit de faire la moue la moitié du temps pour paraître 'evil', et de porter des lunettes de soleil légèrement teintée de rouge, alors c'est un peu pauvre. Quant au final, tant attendu, j'ai trouvé ça un peu grotesque. Je trouve que l'intrigue fait vraiment l'impasse sur la construction du superhéros, qu'on ne comprend jamais vraiment les raisons qui peuvent pousser un homme à porter un costume aussi ridicule.

Parce que bon, le costume est quand même sacrément ridicule. Le masque surtout. Pour le corps, ça passe encore. Mais le masque, avec ces deux petites cornes, ça veut dire quoi ? Surtout quand le flic le tient en joue et que le superhéros dit, comme un boyscout : c'est un méchant que je viens d'arrêter, moi je suis un gentil d'abord !

L'acteur qui incarne Murdock/Daredevil ne m'a pas totalement convaincu. Une certaine prestance, même un certain charisme, mais un body language pauvre et un jeu monotone. Il m'a ennuyé avec sa petite voix qui ne monte jamais très haut. Mais il a une bonne tête. Les autres acteurs sont corrects. Bon, c'est vrai que D'onofrio m'a donné l'impression de ressusciter Pvt. Leonard 'Gomer Pyle' Lawrence, mais pour le reste ça passe. Bob Gunton et Toby Leonard Moore m'ont le plus amusé. Rosario Dawson endosse un rôle peu intéressant mais fait ce qu'elle peut. J'ai trouvé que Ayelet Zurer était plutôt mignonne (entendez par là qu'elle a vraiment un très beau cul) ; ça c'est une grande qualité.

Les scènes d'action sont quand même assez mal filmées : lorsque ce n'est pas la chorégraphie qui rime à du n'importe quoi (la séquence dans le couloir m'a paru bien Z dans l'enchaînement des mouvements), c'est la caméra qui est mal placée (révélant ainsi que l'acteur frappe bel et bien le vide). Cela manque vraiment d'une vision.

Les décors manquent de diversité ; par exemple, lorsque les personnages sont dehors, on a l'impression qu'ils zonent toujours dans les mêmes rues ; les pièces en intérieur manquent également d'une déco qui permettrait de révéler un peu la psychologie des personnages : c'est bien simple, tout est vide et tout se ressemble.

Bref, j'ai trouvé cette série assez pauvre tant dans la narration que la mise en scène : il ne s'y passe rien et l'on s'ennuie énormément. C'est triste.