Je vais avouer quelque chose de suite : je ne connais pas Daredevil, ou du moins la bande-dessinée originelle. Mon seul contact avec Matt Murdock date de la sortie du film avec Ben Affleck dans le rôle titre, aussi vous vous doutez bien que j'avais des a priori assez négatifs sur ce super-héro et son univers et que j'ai donc abordé la série Netflix avec scepticisme.
Je vais le dire tout net : j'ai adoré. Et ce dès les premières minutes du tout premier épisode.
Car oui, quelle introduction nous offre la série ! Réussir à présenter un personnage est chose difficile, réussir à le faire en littéralement 5min et en exposant avec quelques mots simples toutes ses failles, ses peurs et ses contradictions est quelque chose qui tient de la magie pure. Matt Murdock est un personnage remarquablement bien écrit, mais plus important encore, il évolue en parfaite cohérence avec d'autres personnages qui sont tout aussi bien construits, à commencer par Foggy et Karen, ses deux principaux collègues et amis, avec qui l'empathie est immédiate. De façon générale, il n'y a pas un personnage qui soit mal écrit ou qui semble de trop – et ce même quand cela concerne des figures relativement anecdotiques comme Lelland ou Wesley. Rien que sur ce point, c'est très fort.
Ceci étant dit, la plus grande force de Daredevil réside en la comparaison permanente qui est faite entre son héros et l'antagoniste principal de cette saison, à savoir Wilson Fisk, campé par un Vincent d'Onofrio irréprochable. Une comparaison qui semble d'abord idéologique, mais qui se révèle, au fil des épisodes, toucher à des sujets beaucoup plus nombreux et beaucoup plus complexes. Peu de choses séparent parfois Murdock de Fisk, et cette réalité est aussi douloureuse à admettre pour l'un que pour l'autre. De ce concept naissent tout un ensemble de scènes grandioses que je ne me laisserai sans doute jamais de regarder, et qui sont toutes interprétées sans aucune fausse note.
Cette écriture admirable est renforcée par une réalisation au poil, spécialement étudiée pour rendre hommage aux grands films noirs et thrillers du cinéma (les hommages à Old Boy sont par exemple légions, notamment dans l'épisode 2 qui est marqué par une scène de baston véritablement admirable). Car oui, Daredevil est sombre, et même très sombre si on le compare aux productions Marvel qu'on a l'habitude de voir sur grand écran. Grâce à son canal de diffusion bien à lui, Netflix a pu se permettre de multiplier les scènes violentes, et force est de constater que beaucoup d'entre elles sont très efficaces sans jamais être inutilement putassières.
Daredevil peut finalement être résumé à cette seule qualité : c'est une série extrêmement exigeante, qui cherche à investir son téléspectateur au lieu de l’assommer. Elle pioche dans les archétypes des récits dont elle fait l'hommage, mais ne tombe pas dans le cliché. Elle n'essaye pas d'être superficielle au simple prétexte que le spectateur lambda est là pour rechercher sa dose de violence quotidienne, elle veut au contraire donner du sens à toutes ces effusions de sang, à toutes les horreurs que notre héros est obligé d'affronter ou de commettre. En bref, elle est très respectueuse de ses téléspectateurs et de son matériEL de base.
Franchement combien de séries peuvent se vanter de l'être de nos jours ?