Métal Hurlant Chronicles est une série franco-britannique, réalisée par le Français Guillaume Lubrano, et adaptant les planches d'un magazine également bien de chez nous : Métal Hurlant. Un magazine qui a malheureusement définitivement cessé son activité en mai 2006 après avoir connu quelques belles heures de gloire, et surtout une grande reconnaissance parmi certains des plus importants réalisateurs de science-fiction, comme Ridley Scott. De toutes les tentatives qu'il y eut de transformer ces histoires dessinées entre science-fiction et fantastique en long-métrage, seuls deux films d'animation en ont résulté : Métal Hurlant et Heavy Metal 2000. Mais jamais de projet live. Cette mini-série est donc la première à s'atteler sur ces plates-bandes.

La science-fiction de ces dernières décennies se résume essentiellement au cinéma américain. Et pourtant, les précurseurs étaient français ; qui n'a jamais entendu parler de Georges Méliès et son mythique Voyage Dans La Lune ? Pourtant les séries du genre proviennent essentiellement des territoires anglophones, tandis que la France se complaît à produire des banalités de la vie quotidienne tout juste bonnes à distraire la ménagère terre à terre. Avoir une série de l'acabit de Métal Hurlant Chronicles en partie produite par chez nous, est donc assez réjouissant, et novateur, en quelques sortes. Encore faut-il lui trouver son public. C'est donc France 4 qui récupère le programme, car ça aurait été dommage de décaler les énièmes numéros des Experts ou Desperate Housewives pour lui laisser sa chance quelques minutes par soir.

La diffusion s'est donc faite assez discrètement, sur deux samedi soir en monopolisant un temps d'écran de trois fois 23 minutes à chaque fois. On est donc ici dans un format très court, où chacun des six épisodes met en scène une histoire différente, parfois même deux (l'épisode 3), tirées uniquement des derniers numéros parus, c'est-à-dire après que le magazine soit revenue sur le marché après un hiatus de quinze ans. Ainsi, on pourrait souligner que les scénaristes ne font alors qu'effleurer l'essence même de cette bande-dessinée qui a connu ses meilleurs jours au début des années 80, notamment avec l'auteur Mœbius qui a ensuite travaillé sur des œuvres cultes telles que Alien, Tron, Abyss, Willow, ou encore Le Cinquième Élément et dont la patte visuelle a inspiré, entre autres, Blade Runner et Star Wars.

Ce format court permet néanmoins d'aller directement à l'essentiel, tout en évitant de remplir les minutes avec du vide et en proposant du nouveau contenu à chaque épisode, ce qui permet de suivre la série d'un oeil curieux, même si l'on a pas aimé un ou deux épisodes, et sans contrainte d'être largué dans l'intrigue. Comme son homonyme dessinée, la série se développe sur un fond essentiellement de science-fiction avec différents thèmes selon les épisodes. Le premier, avec ses airs à la Spartacus, prend place dans un monde médiéval sur îlot flottant contrôlé par des robots, le second tient plus d'un thriller huis clos sur ambiance post-apocalyptique. Le troisième, quant à lui, démarre dans une prison intergalactique puis aborde la cryogénisation, tandis que le quatrième et cinquième ont plus des allures de space opera (l'un restant confiné aux intérieurs de vaisseaux). Enfin, le sixième s'oriente davantage vers le fantastique avec une tournure qui n'est pas sans rappeler Les Immortels de Tarsem Singh.

N'ayant pas parcouru les bandes-dessinées qui relatent ces même histoires, je n'ai pas d'élément de comparaison quant à leur tournure, mais je me doute que ces adaptations sont relativement fidèles. Les intrigues sont donc rapides, n'allant guère en profondeur (en même temps, en vingt minutes...) et le point d'intérêt réside dans les twists finaux qui ont lieu sur pratiquement tous les épisodes. Très bien trouvés, inattendus, et à la tournure plutôt dramatique sur les trois premiers, les suivants sont cependant plus faibles de ce côté, en se rendant comique, voire burlesque pour le dernier, ou bien peu captivant sur le cinquième, la fin nous étant racontée dix minutes à l'avance.

Production française, certes, mais les acteurs, eux, ne le sont pas exclusivement. Ainsi parmi les têtes de l'Hexagone comme le yamakasi David Belle, le sportif Cyrille Diabaté, le "Chef" de la VF de South Park Jean-Michel Martial, les acteurs Jean-Yves Berteloot, Eriq Ebouaney et Domninque Pinon, ou encore Frank Delay des ex-2Be3 et Grégory "le Millionnaire" Basso, on retrouve des stars internationales comme la mannequin Kelly Brooks, Joe Flanigan le John Sheppard de Stargate Atlantis, le Néerlandais Rutger Hauer, James "Spike" Marsters, l'acteur Michael Jai White, et la sorcière de la série Merlin, Michelle Ryan. En somme pas un ribambelle de gros noms, mais pas non plus une pléthore d'inconnus, tous ayant déjà foulé le milieu de la télévision ou du cinéma à plusieurs reprises et ayant, pour certains, glanés une bonne reconnaissance.

Malheureusement, l'on est rapidement confronté à un défaut inhérent à la majorité des séries bien de chez nous : la crédibilité des acteurs. Je ne sais pas si c'est inscrit dans nos gênes ou le fait d'être trop habitué au cinéma étranger, mais c'est un problème qui transparaît à travers les dialogues souvent trop lisses, guère authentiques, mais aussi la façon dont ils sont récités et les interprétations des acteurs. À vrai dire, jusqu'à la la première moitié de l'épisode 3, ils ne s'en sortent pas trop mal, même le huis clos garde de la consistance. Par la suite, les scènes avec les bureaucrates dans la deuxième section du troisième épisode, les soldats du vaisseau dans le quatrième, le deux protagonistes du cinq, ou même l'ensemble du cast dans l'épisode final, les jeux varient du sensiblement médiocre à du ratage total. La palme d'or étant décernée à Kelly Brooks qui préfère jouer avec ses seins.

Ce n'est donc pas de ce côté que la série gagne en accroche, mais plutôt en ce qui concerne sa réalisation. L'action est bien filmée, lisible, avec de bonnes chorégraphies, même si Guillaume a tendance à user un peu trop de ralentis dans le premier épisode. La photographie, quant à elle, confère cette homogénéité à la série en lui offrant une certaine esthétique froide et industrielle, avec une image assez lisse. On pense beaucoup aux productions américaines pour ce type de réalisation. Les effets spéciaux, par contre, sont faits avec les moyens du bord. Il y a pas mal d'idées, les matte paintings sont réussis, et les modélisations plutôt bonnes, mais c'est leur incrustation avec les acteurs qui les rend souvent pauvres. Pas de quoi non plus gâcher la série et ça lui offre son charme, mais s'ils pouvaient être davantage travaillés ce n'en serait que mieux. Les courses poursuites spatiales de l'épisode 5 font très jeu vidéo par exemple, mais ce côté un peu kitsch apporté par les masques et costumes de l'espèce extraterrestre balance un peu le tout. Plus d'effets "pratiques" et moins de CGI devraient faire l'affaire. En ce qui concerne la bande son, Jesper Kyd s'y colle, et signe ici sa première série, après des Assassin's Creed, Borderlands, et Hitman, entre autres, pour lesquels il a reçu des éloges. L'univers n'en est pas si éloigné, puisque la série garde une optique assez vidéoludique dans sa réalisation et son développement. Jesper parvient à installer un thème mémorable et habille les épisodes de compositions généralement ambiantes mais conservant une optique assez sentencieuse, ou lourde par le biais du travail de la basse. Quelques orchestrations frottées prennent place plus sur les fins, lors des twists, et accompagnent adéquatement ces moments de révélations.

En fin de compte, Métal Hurlant Chronicles n'est pas une mauvaise série du tout. Guillaume Lubrano dépeint des univers envoûtants et accrocheurs de par leurs ambiances toutes différentes, tout en retranscrivant ces chroniques avec plus ou moins d'efficacité. La mise en scène et l'esthétique sont bien trouvées, dommage que la série pèche de par son manque de moyens sur certains effets mais également à cause des prestations des acteurs qui semblent juste là pour remplir leur contrat de quelques minutes. Six épisodes pour cette première saison, c'est également peu pour voir si elle peut conserver l'intérêt sur la durée, pour peu que l'on apprécie toutes sortes d'efforts SF et fantastique avec un minimum de bonnes idées. Il ne me reste maintenant plus qu'à me plonger dans les bases dessinées du magazine qui, elles, ont révolutionné non seulement leur art, mais également bien plus en influençant le cinéma du genre. Ce qui ne sera pas le cas de cette série, même si elle a le mérite de marcher hors du carcan habituel des productions françaises ; espérons qu'elle puisse prospérer.
AntoineRA
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le 7 nov. 2012

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AntoineRA

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