Témoignages touchants de somaliens et d'américains qui ont vécu d'en bas le Black Hawk Down

Le réalisateur s'est concentré sur ceux qui ont vécu d'"en bas" le raid spectaculaire de l' armée américaine des 3 et 4 octobre 1993 à Mogadiscio : les soldats US d'un côté et les civils et miliciens du général Aidid de l'autre.

On n'entend pas dans cette serie de trois épisodes les décideurs des deux camps : les responsables politiques ou militaires sont hors champ ainsi que leurs motivations, et donc on en apprend peu sur le contexte de la guerre en Somalie de l'époque.

On est toujours remué d'entendre certains soldats qui ont vécu des choses très dures au front : ils ne la ramènent pas, ils ont été changés, ils ne sont plus va-t-en-guerre, et de temps en temps ils vous envoient quelque chose de renversant. Comme ce membre des Forces Spéciales (Delta) qui a passé une nuit encerclé à tirer de l'intérieur d'une maison occupée par une famille dont la femme a accouché le matin même, et qui a près avoir échangé doucement avec elle, se reprend pour aller mitrailler à perdre haleine à la fenêtre. Il lui échappe devant la caméra, tandis que les muscles de son visage luttent de manière chaotique pour empêcher des larmes : "Mettre un peu d'humanité dans la guerre, c'est pas bon". En écho, à des milliers de kilomètres, la mère maintenant âgée vous dit, à coté de son bébé qui avalait la poussière et la poudre à un jour de vie et devenu une belle femme plantureuse qu'elle a prénommé en souvenir de ce jour atroce Amina Ranger : " Blanc ou musulman, il y a toujours un fond de gentillesse malgré tout".

Tous les personnages de cette série vous apportent quelque chose de vrai - les américains et les miliciens, le cameraman somalien amateur dont les images ont changé le cours de la mission et de la guerre américaines (elles les ont carrément arrêté) - mais surtout les trois femmes interviewées : celle qui accoucha le jour même, celle qui perdit la moitié de sa famille, et celle qui était alors une fillette apeurée recouverte de petits encore plus effrayés qu'elle, s'accrochant les uns aux autres dans une école mitraillée par des balles perdues.

Le film de Ridley Scott qui rapportait l'action "Black Hawk Down" est, dans le genre "film de guerre", du sous-type "récit de bataille". Pour ces films là, le critère de qualité est à mon avis de faire voir clairement malgré le chaos des combats la tactique voulue et mise en oeuvre (déjà rien que cela est négligé ou manqué dans trop de "films de guerre"), et de même les erreurs du plan imaginé confronté aux embûches du terrain, les réactions aux impondérables, etc. Ce film était la mise en scène d'un raid de deux jours très complexe et de ce point de vue, il était réussi.

Le vécu de l'intrusion américaine dans Mogadiscio par des somaliens "d'en bas" n'y était pas.

Cette série, produite aussi par Ridley Scott, rééquilibre donc ce que le film avait d'unilatéral en collant au seul mouvement des américains dans la reconstitution au plus près de l'assaut.

Et pour la troisième dimension de cette affaire, le contexte politique et militaire de ces événements, on devra, si on veut, aller le chercher dans les livres (ou dans une autre prochaine série, qui sait) : côté somalien, les détails du pourquoi de cette guerre civile interminable, et côté américain, les détails de la confusion habituelle entre interventionnisme humanitaire et diktat colonial arrogant.