Monstre revient avec une 3e « saison » sur Ed Gein et force est de constater que, même si quelques signes d’essoufflement se profilent, la production Ryan Murphy vise toujours dans le mile quant à sa ligne éditoriale. Le rendu de la monstruosité humaine y est toujours aussi juste.
Après Dahmer et la difficile confiance dans les forces de l’ordre, après les Menendez et notre passion pour l’hésitation judiciaire, cette nouvelle saison prend le pari d’interroger notre fascination morbide pour le tueur en série, avec une petite pointe de discours meta. Un discours explicité, notamment, par un monologue d’Hitchcock dans l’épisode 3, que l’on imagine bien représenter les producteurs de la série eux-mêmes en train de s’interroger sur leur propre démarche, à devoir toujours proposer une figure plus horrible de l’histoire du crime pour continuer à capter les foules… Comme Hitchcock avec Psychose en son temps, Murphy, depuis Dahmer, n’a t’il pas contribué à faire du spectateur le monstre ultime : celui qui en veut toujours plus ?
La saison prend ainsi le pari d’entrecouper l’histoire de Gein par des sauts dans le temps sur les multiples adaptations et inspirations de son histoire, de Psychose au Silence des Agneaux en passant par Massacre à la tronçonneuse. Si la narration paraîtra donc plus ou moins hachée pour certains spectateurs, elle sert parfaitement le propos de ses auteurs sur l’héritage « culturel » d’une telle atrocité, en insistant bien sur les dégâts collatéraux (la carrière d’Anthony Perkins, entre autres). Oui, la série est presque moins une introspection continue et très poussée de la psyché du tueur (quoi que la narration décousue soit aussi un moyen de nous plonger dans la schizophrénie du personnage) qu’une réflexion sur « pourquoi Ed Gein a tant fasciné et inspiré le monde de l’horreur ? », et en décevra sûrement certains. La saison marque-t’elle pour autant la perte de vitesse de la saga ? Pas forcément.
Surtout, comme à son habitude, « Monstre » est d’une étonnante justesse sur à peu près tous les niveaux, avec en tête la représentation de son personnage principal comme de ses personnages secondaires (Hitchcock, par exemple, n’est ni montré comme un dieu vivant du cinéma, ni comme un homme finalement bien simple aux défauts bien apparents : il est les deux).
Quelques signes d’essoufflement donc, dans la mise en scène, avec la mobilisation de plus en plus fréquente de codes horrifiques bas du front, où Ed Gein semble parfois trop proche d’un Michael Myers… En même temps, n’est-ce pas là encore une manière de servir la réflexion de la série sur notre rapport à l’horreur et notre obstination à vouloir trouver (créer) LE monstre ?
Je dois en tous cas être complètement tombé dans le panneau, car à la fin de la saison, du « Monstre, l’histoire de… » j’en redemande encore…