"Once Upon a Time in Wonderland" avait tout pour séduire : un univers culte à réinterpréter, une héroïne emblématique à moderniser, et la promesse d’un spin-off à la fois magique et mature. Pourtant, malgré son ambition louable, la série peine à transformer l’essai. Entre envolées poétiques et chutes techniques, le voyage reste inégal – un peu comme une rêverie dont le charme s’éclipse au réveil.
L’univers de Wonderland est ici traité avec un sérieux qui contraste avec la légèreté fantasque de l’œuvre originale de Lewis Carroll. Le ton est plus grave, les enjeux plus intimes : on y parle d’amour contrarié, de quête identitaire, de manipulation et de résilience. Des thématiques riches, mais souvent abordées de manière un peu trop convenue ou survolée.
Le personnage d’Alice, incarnée par Sophie Lowe, est sans doute l’un des points les plus intéressants de la série. On est loin de la fillette curieuse et naïve du conte. Ici, Alice est une jeune femme brisée par la perte, la solitude, et l’incrédulité du monde réel. Son entêtement à prouver que Wonderland existe et son amour pour Cyrus, le Génie, sont les moteurs du récit. Lowe livre une performance touchante, même si le personnage aurait gagné à être développé avec plus de subtilité dans ses doutes et ses contradictions. Par moments, son courage paraît trop mécanique, son évolution émotionnelle un peu précipitée.
Cyrus, quant à lui, souffre d’un traitement trop lisse. Son amour pour Alice est sincère, certes, mais manque de tension dramatique. On le connaît à travers ce qu’Alice ressent pour lui, plus que par ses propres actions ou dilemmes. Il reste souvent en retrait, ce qui amoindrit l’intensité du lien qu’on est censé ressentir entre eux.
Le Valet de Cœur (Knave), interprété avec une belle énergie par Michael Socha, apporte un contrepoint ironique et plus nuancé à l’univers. C’est un personnage cabossé, cynique mais attachant, dont le passé mystérieux et les blessures mal refermées offrent une complexité bienvenue. Sa dynamique avec Alice fonctionne bien, parfois même mieux que le duo central. Il aurait mérité davantage de place encore, tant son arc semblait prometteur.
Enfin, Anastasia (la Reine Rouge) et Jafar, les deux grandes figures antagonistes, illustrent bien l’ambition mélodramatique de la série. Si leur design et leurs motivations flirtent parfois avec la caricature, une certaine profondeur émerge, notamment à travers les dilemmes d’Anastasia. Son parcours d’amoureuse trahie, prête à tout pour retrouver ce qu’elle a perdu, évoque des thématiques intéressantes sur le pouvoir et la vulnérabilité. Jafar, lui, pâtit d’un jeu trop figé et d’un manque d’originalité dans la construction de son méchant, malgré des intentions initiales intrigantes.
Sur le plan narratif, la série alterne entre épisodes captivants et passages plus laborieux. Le rythme inégal freine l’immersion, et certaines intrigues secondaires semblent étirées sans réelle valeur ajoutée. Il manque un souffle épique ou une audace narrative pour vraiment surprendre.
Esthétiquement, la série tente de compenser son manque de moyens par une direction artistique audacieuse, mais les effets spéciaux datés et le recours excessif aux fonds verts trahissent rapidement l’illusion. Wonderland manque de texture, de présence, de magie palpable.
Malgré ces limites, "Once Upon a Time in Wonderland" conserve une certaine sincérité. On sent l’envie de bien faire, l’amour du mythe et des personnages. Mais cette sincérité ne suffit pas à masquer des failles structurelles : des personnages parfois sous-exploités, une réalisation perfectible, et une narration qui hésite entre l’intimiste et le grandiloquent.
C’est une série imparfaite, mais pas dénuée de charme. Elle s’adresse surtout aux fans de contes réinventés et de romances fantastiques. Pour ma part, j’y ai trouvé quelques beaux moments, des personnages attachants et une atmosphère singulière, même si l’ensemble m’a souvent laissé sur ma faim. Un 6/10 qui reflète un voyage inégal, à mi-chemin entre le rêve éveillé et l’histoire qu’on oublie un peu trop vite.