Mon titre est une référence au superbe film de De Palma, "Le Bûcher des vanités", que je ne saurais trop vous recommander si vous ne l'avez pas encore vu.
Contrairement à ce que j'ai pu lire, ce drama n'est pas là pour dénoncer le système éducatif coréen, ça serait réductif et facile de s'engouffrer dans cette brèche. Cela n'a également aucun rapport avec la série "Desperate Housewives" qui mettait en vedette 4 femmes amies et working girls. La ressemblance s'arrête au fait qu'on mette 4 femmes mariées en relation, et qui habitent dans la même résidence, c'est tout. Le but principal de la série est avant tout de nous éclairer comment une partie de la bourgeoisie instrumentalise sa progéniture à des fins uniquement égoïstes pour flatter leur ego. Et surtout elle dénonce avec quelles méthodes ces gens s'y prennent pour arriver à leur fin. SKY Castle est un drame psychologique qui va basculer en partie en thriller vers la fin de l'histoire.
Le terme SKY a une double origine: il désigne d'abord le premier Palais l'ère Joseon, Gyeongbokgung, mais c’est aussi l'acronyme des 3 meilleures universités du pays situées à Séoul, à savoir Seoul National University, la Korea University et la Yonsei University. L'admission à l'un ces trois établissements nécessite une compétition intense entre étudiants et un diplôme délivré par ces universités est considéré comme un gage de succès et d'honneur dans la société coréenne. Mais le sujet ne porte absolument pas sur ça, c'est juste un effet de style.
On va suivre le déroulé de quatre familles bien différentes, dont le centre d'intérêt tourne autour de 4 femmes au foyer, leur maris assurant de hauts revenus. SKY Castle est une résidence sécurisée qui s'articule autour d'une douzaine de pavillons dont vous ne verrez jamais les voisins, sauf exception. Au travers de ces quatre familles, ce sont quatre modèles d'éducation différents qui seront évoqués. Le début est très poussif, j'ai failli arrêter le visionnage avant le 10e épisode. Il va falloir vous accrocher car c'est bavard et surtout très long, trop long. C'est une vraie torture psychologique qui vous attend. Heureusement la seconde partie est beaucoup plus intéressante, le rythme et le mode thriller prenant le pas. Ce drama est avant tout une satire de la bourgeoisie coréenne qui utilise leurs enfants pour assouvir un fantasme de réussite ostentatoire vis à vis des gens du même milieu élitiste. Ce n'est en aucun cas une dénonciation du patriarcat comme j'ai pu le lire. En effet, sur les quatre pères (dont trois sont médecins), un seul fait preuve d'un autoritarisme de façade qui se retournera contre lui.
Petite présentation succincte des quatre mères qui sont les principales héroïnes du drama.
- Han Seo-Jin( Yum Jung-Ah) est un des personnages centraux. C'est une femme qui gère seule l'éducation de ses deux filles. La mère est la digne représentante d'un matriarcat immonde et tyrannique. C'est simple, tu as envie de la buter dès le début. Cette femme est une manipulatrice et une menteuse. Elle est abjecte et ne dégage que mépris, haine et dégout. Sa fille ainée de 18 ans est son jouet qui là pour satisfaire son ego surdimensionné. La benjamine est rebelle et attachante. Seo-Jin va faire appel à une tutrice, Kim Joo-Young(Kim Seo-Hyung) pour aider sa fille à atteindre le but qu'elle s'est fixée pour elle: être accepter en fac de médecine. C'est l'autre personnage central de la série, le mal incarné, un être démoniaque qui sous couvert de soutien, et là pour détruire. La relation malsaine entre ces deux femmes est au centre de la série et toutes deux cachent des secrets. Mais il ne pourra y avoir qu'une seule vainqueur.
- No Seung-Hye(Yoon Se-Ah) est une femme BCBG dont le mari, un professeur de droit gère l'éducation de ses enfants. Elle est plutôt gentille. Ils ont une fille partie étudier à Harvard qui reviendra au milieu de drama, et deux fils jumeaux de 18 ans que le père mène à la dure, mais en réalité il n'a aucune autorité sur eux tellement il est stupide. C'est la seule figure patriarcale de la série, dans le plus mauvais sens du terme. Il est obsédé par la réussite sociale de ses enfants qui doit passer avant le bonheur de sa famille. C'est avant tout un idiot et un vaniteux que personne ne respecte et qui va s'avérer être un lâche quand sa famille va se rebeller contre lui.
- Jin Jin-Hee(Oh Na-Ra) est issue d'une famille aisée car son père possède des biens. C'est un peu la "cagole "du quartier, car elle est toujours habillée sexy pour son âge et n'est pas très futée. Malgré le fait qu'elle penche toujours du coté du vent, et donc de Seo-Jin qu'elle admire, on a du mal à la mépriser car elle est attachante. Son mari est chirurgien comme le mari de Seo-Jin et bosse dans le même hôpital. Il est assez soumis au boulot et sa femme tient la culotte à la maison. Mais ils se respectent, et respectent aussi leur fils de 12 ans. Et contrairement aux deux femmes précédentes, ils ont une vie de couple. Elle a du mal a prendre partie car elle ne veut se fâcher avec personne.
- Enfin il y a Lee Soo-Im(Lee Tae-Ran), la seule femme altruiste et bienveillante de la série. C'est la nouvelle du quartier dont les autres se méfient. C'est une auteure de livres pour enfant qui se consacre à son beau fils de 18 ans et à son mari, lui aussi chirurgien. La famille est assez fusionnelle et équilibrée. C'est un personnage important qui va combattre non sans mal Seo-Jin et surtout Joo-Young après s'être fait manipulée. Elle apparait néanmoins trop sensible et vulnérable, et parfois elle n'a pas des réactions normales dans l'adversité. C'est elle qui va permettre de faire évoluer d'autres personnages et d'en réunir d'autres.
Pur être complet, y a un dernier protagoniste très important qui va faire basculer le destin de plusieurs personnages, et dont je vous laisse faire la découverte.
SKY Castle s'avère avant tout être un pamphlet contre une partie de la bourgeoisie coréenne qui exhibe leurs enfants comme des singes savants dans un monde dominé par la compétition: ils espèrent en retour être bien juger par ceux de leur milieu et les épater. Ils ne recherchent pas le bonheur de leur enfants, mais projettent en eux leurs propres fantasmes et désirs. Vous allez voir dans ce drama tout ce que l'être humain a de plus mauvais en lui. Ici tous les modèles sont représentés, de la mère castratrice ou aimante, du père" je-m'en-foutiste" ou autoritaire, vous allez avoir droit à tout un panel de modèles éducatifs. Mais attention à de pas enfermer tous ces hommes et ces femmes dans la même case. Il y a de la nuance à observer. Si certains font du bashing et du lavage de cerveau, d'autres sont beaucoup plus cléments ou laxistes. Dans SKY Castle les femmes ne sont généralement pas des victimes, bien au contraire. Les hommes sont plutôt des faire valoir, dont certains vont payés très cher leur lâcheté, absentéisme ou stupidité. J'ai apprécié l'évolution des personnages dans la seconde moitié, dont la part d'humanité et de fraternité sera grandissante.
Beaucoup de drames, de douleurs vous attendent durant ces 20 épisodes, donc forcément les émotions négatives qui vont se dégager seront omniprésentes je préfère vous prévenir quand même. Il y a quelques passages drôles, mais limités. C'est un sujet qui ne nous touche pas de près, mais il est toujours bon et instructif de voir une autre forme d'éducation distillée par une société ou une classe sociale différente de la notre. Bien entendu on ne va pas éviter raccourcis faciles et autres poncifs dans la narration ou les attitudes des personnages qui sont parfois incohérentes, mais ça devient vraiment passionnant si on arrive à passer le cap des 12 premiers épisodes. Je crois que je n'ai jamais autant haï de gens dans un k-drama. Les comédiens tous excellents et contribuent à la réussite de SKY Castle qui demeure l'un des trois plus grands succès du câble et du satellite en Corée. Le scénario est bon, mais ce n'est pas non plus le drama de l'année, car souvent au début, on veut en faire trop, et on se perd dans des élucubrations vraiment trop soporifiques et inutiles. La série aurait méritée plus de clarté et surtout moins de personnages, car certains ne sont pas étoffés. On est pas dans une saga de 50 épisodes.
Je n'ai pas trop aimé la conclusion qui s'engouffre dans la facilité déconcertante de la rédemption, le pêché véniel des k-dramas. Je pense sincèrement que dans une série japonaise, la fin aurait été bien différente. Elle est en totale décalage avec tout ce qu'on aura vu avant, c'est un peu dommage. je veux bien qu'après toute cette dramaturgie, un vent de légèreté et d'apaisement vienne nous envahir, mais pas de cette manière. Il y a notamment un personnage qui s'en sort avec les "honneurs" et j'ai trouvé ça non seulement ridicule, mais inadmissible. SKY Castle n'est pas une dénonciation de l'éducation à la coréenne, il n'est pas ici question de Hagwons, ni d'intrusion dans un établissement privée pour milliardaires comme dans un drama comme "Hierarchy". Tout au plus on va dénoncer le comportement des adultes référents qui en demandent trop. C'est plus à rapprocher d'une télé réalité au vrai sens du terme, et qui va traiter de cas d'écoles bien précis et donner des pistes de réflexion sur la manière dont se comporte certains parents face à la réussite à tout prix, quitte à franchir certaines limites. Prenez bien en considération que ce ne sont pas des familles "normales et standard", même en Corée du Sud. Pour faire baisser le taux excessif de suicide chez les étudiants, les gouvernements qui se sont succédés depuis 10 ans, essayent de lutter contre le phénomène de coaching à outrance qui ne mène à rien de constructif au final.
Cette série pourra être un vrai chemin de croix pour certains je peux le concevoir. Moi même j'ai vraiment eu du mal à rentrer dedans au début, car c'était trop rébarbatif. Entre l'éducation à la coréenne (ou à la sauce sud est asiatique tout court) et la notre totalement à la ramasse et honteuse, je pense qu'on peut trouver un juste milieu ailleurs. A titre personnel, j'ai trouvé le drama beaucoup trop long. 20 épisodes qui ont tendance à s'allonger vers la conclusion, le dessert. On ne va pas éviter des passages de torture morale, mais faites moi confiance, si vous "survivez" à la première moitié, vous ne regretterez pas la suite. Dans l'ensemble j'ai fini par apprécier la série, la seconde partie axée thriller et règlements de compte rehaussant le niveau d'intérêt. A noter une chose unique dans l'histoire du k-drama et qui ne sera jamais plus battu selon moi. En effet, au départ on se dirigeait droit vers la catastrophe industrielle: 1,72% d'audience sur le diffuseur JTBC. Mais il y a eu un tel bouche à oreilles, notamment auprès des classes populaires, que le dernier épisode diffusé a réalisé près de 23,8% d'audience.
Main Theme : HAJIN - We All Lie
Additionnel OST: SKY Castle - Original Television Soundtrack