Je pense que les 3 premières notes de The Fall de Blake Leyh, la musique des crédits, qui se lance toujours 2 secondes avant ces derniers alors qu'on observe un espace vide, un personnage dubitatif ou une personne s'en allant de dos, restera une de mes expériences vidéoludiques préférées.
La série est réaliste, et ce n'est pour moi pas fou car je regarde des vraies oeuvres moi. Plus sérieusement, oui le réalisme est un immense point fort, entrecoupé d'Omar qui casse des gueules ou de Snoop et Chris qui butent un mec car il a postillonné sur Marlo. L'acteur principal est autant une actrice en la personne de Baltimore ou de la société américaine, que Bubbles (mon personnage préféré), car oui aucune autre oeuvre ne décrira de cette façon cette ville, qui est un miroir de beaucoup de villes américaines, mais aussi de beaucoup de sociétés ayant dits oui à un système de démocratie libérale, avec ou sans communautarisme. La série peut très bien refleter notre immense pays et ses gros droits de l'homme là (ils sont périmés on rappelle) lorsque l'on voit la manière dont les flics traitent les dealers ou simplement les noirs, ou lorsque les travailleurs sont exténués du fait que plus un seul regard se posent sur eux. Cette série me fait croire en un état fort qui crée l'argent et la distribue selon les besoins (moi mon état il donne rien aux flics mais bon). Ces flics, si bons aux yeux de Sarkozy, n'ont aucune notion de sociologie, car personne ne leur demande d'en avoir. La série les décrit comme un peu bêbêtes par moment, tout comme essentiel pour maintenir l'ordre, et c'est là que j'aurais un reproche à faire, elle n'est pas assez antiflic. C'est dans son ADN non manichéen de montrer l'utilité des flics, afin de satisfaire notre envie de voir Chris et Snoop arretés, tout en montrant à coté des flics pétant des cables, des bavures policières, un policier brisant les doigts d'un gamin de 13 ans juste par vengeance, et là le rapport de force n'est plus flic contre citoyen mais carrément adulte contre enfant, mais peut etre n'est ce pas suffisamment doser pour moi (par exemple dans les Sopranos, alors qu’il n’y a meme pas de rapports de force raciale, les flics sont des giga merdes cf le destin d’Adriana).
Ceci dit, la série remet parfaitement en question ce système qui pousse une mère à forcer son fils à dealer (bon elle c'était une grosse merde) ou alors Bubbles. Ce personnage, comiquo-dramatique se présente comme un simple toxico, mais en réalité doté d'une profondeur sans nom, il se trouve être le plus humain de tous, avec une des meilleures rédemptions, au point où cela fait chaud au cœur de le voir s’en sortir. En réalité, la plupart des personnages, parfois très secondaires tel Bodie ou l'immense Omar Little, ayant la mort nous ramenant le plus au réel, sont dotés d’une grande profondeur et sensibilité.
La série remet aussi en question les institutions et l'autorité tel McNulty et sa capacité à faire face à l'autorité et aller à l'encontre des institutions selon sa propre morale, sans être violent avec les dealers ou autre, étant même aidant et attaché à certains comme Bodie. Il est un des meilleurs protagonistes, tout en étant presque le principal. Tandis que des personnages comme Carver, flic noir, prennent conscience de la pression et l'oppression raciale qu'ils font peser sur les habitants de Baltimore Est, s'éloignant quelque peu de Herc, flic blanc vulgaire et violent. Il ira jusqu’à dénoncer un mec qui ressemble à un partisan de Trump lorsqu'il devient violent, allant à l’encontre de l’omerta installée au sein de la police.
D'autres personnages servent plus les autres tels Lester et Bunk, amusant et forts dans leur travail mais pas spécialement plus travaillés que ça contrario à Kima, dont on nous laisse suivre sa romance avec sa femme, s'émiettant petit à petit, tout comme Daniels, tellement cette ville les ronge. Ce dernier revant aussi de renverser le fonctionnement des institutions en montant les grades alors qu'il était destiné à finir aux archives. La politique et les rapports de force entre les personnes des memes institutions dictent la vie de Baltimore et ses priorités, Carcetti ne pouvant pas faire baisser la criminalité, car il doit déja s'occuper de l'école, afin de faire en sorte qu'elle ne sombre pas. Il s'averera être tenté par la corruption par moment alors même qu'il voulait la combattre.
Oui, j'ai bien dit que Kima était avec une femme, et c'est un des points forts de la série, elle banalise l'homosexualité, encore difficile à être acceptée dans les années 2000. Le gay le plus emblématique restant Omar, subissant beaucoup d'homophobie dans la série. On peut dire que The Wire est woke.
Pour revenir à son personnage principal, Baltimore est à taille humaine dans The Wire, toujours dans des batiments, sur des sols, la caméra ne prend que peu de libertés, afin de nous enfermer dans ces quotidiens moroses et pourris. Elle atteint pour moi son pique saison 4 lorsque l'on suit 4 jeunes vivant proches des trafics et des meurtres, devant se débrouiller avec un mère toxico, une famille d'accueil, une mère forçant son fils à dealer et un dernier, décrit comme puant, dont ses parents ne sont jamais présentés, dus à une absence fatale dans la vie de cet enfant. Cette saison nous montre la brutalité de ce que le rap et les films ont fini par faire envier à certains provinciaux et bourgeois afin de devenir une star. Des jeunes à l'abandon, ne se rattachant qu'à peu de choses, finissant presque avec un avenir atroce (SPOIL). Le plus prudent et éloigné des magouilles finira par tuer mon petit Bodie (qui avait déjà tué Wallace auparavant donc un peu mérité) et devenir un tueur assez sanguinaire, tandis que son ami qu'il héberge finira par prendre de l'héroine en arrière plan pendant le diaporama final (une scène destructrice). Un espoir subsiste chez Namond, fils d'un tueur, forcer à dealer, qui reniera ses parents et en trouvera des adoptifs le poussant à aller loin dans les études.
Enfin, je n'ai pas mille chose à dire sur les Barksdale, Bell et Stanfield, ils sont iconiques et servent très bien la série, surtout Stringer et Marlo, merci à eux deux pour leur travaux.
Mais j'avoue que contrairement aux rappeurs, je n'ai ni envier Marlo, ni Avon, ils sont certes assez stylés et bien écrits, mais restent des énormes merdes, surtout Marlo, capitaliste au possible, n'hésitant pas à tuer des gosses s'il le faut. Bravo à Michael qui, à la manière d'un McNulty ou d'un Omar, ne respecte pas les ordres et s'élève contre les ordres absurdes de Marlo, seulement ce n'est pas le licenciement qui le guette ici, mais de suivre Chris et Snoop dans un terrain vague.
C'est parmi les meilleures séries que j'ai pu voir, c'est au meme niveau que les Sopranos dans mon livre, les deux se valent et c'est très bien comme ça.