The Wire est un monument de la télévision, elle est, à ma connaissance, la seule série considérée unanimement comme la meilleure série de tous les temps, autant par la critique spécialisée que par les téléspectateurs eux-même. Si elle fédère autant c'est évidemment parce qu'elle a d'innombrables qualités.
Tout d'abord, c'est un vrai drame, une vraie tragédie ; c'est le destin tragique d'une ville portuaire de la Côte Est des Etats-Unis. Baltimore, une ville dont le quart de la population vit sous le seuil de pauvreté, où la misère profite aux criminels et où le crime profite aux politiciens (corrompus, mais lequel ne l'est pas ?). La ville est présente partout où se posent nos yeux. Ce sont ses différents décors, avec ses cours et ses grandes tours, sa mairie, ses services de police, son tribunal, ses écoles, ses médias, sa langue des quartiers, ses codes vestimentaires, sa culture et tout ce que ça peut bien comporter. Je me suis personnellement attachée à la ville, je suis entrée dans son intimité et lorsque j'ai fini la série, j'ai ressenti cette nostalgie d'un lieu qu'on quitte remplis de souvenirs.
C'est la narration qui permet cette immersion : chaque saison illustre une facette détaillée de la ville. On prend le temps de présenter les protagonistes, ils sont nombreux, ils sont tous très bien écrits, aucun d'eux ne tombe dans le manichéisme. On y trouve des choses surprenantes comme Omar "A Man who has a code", un gangster homosexuel et pourtant badass. En tous cas, je n'avais jamais vu ça dans une série et j'ai trouvé ça super chouette. Chacun des personnages a sa part d'ombre et de lumière, chacun essaie de jouer le "game" à sa façon, avec les cartes dont il dispose. On peut d'ailleurs dire sans trop s'avancer que pas mal d'entre eux ont une main sacrément pourrie. Les acteurs ne sont pas en reste, chacun incarne son personnage avec brio. Un véritable soin est apporté aux détails et à l'oeuvre dans son ensemble. Aux travers des différentes saisons et différentes institutions, on suit l'évolution de chaque personnage, leurs connexions. Et quel rôle il joue dans un environnement souvent hostile.
Comme une fatalité, chaque personnage est renvoyé à son destin : il n'y a AUCUN espoir. Qui remue la merde, se retrouve dedans. Qui y est né, y reste.
The Wire est une série sérieuse, elle ne prends pas son public pour le dernier des abrutis, elle ne nous prends pas par la main, elle n'abuse pas de la musique, elle n'a pas besoin de forcer l'émotion. Dans un genre et un médium différents, on peut dire que The Wire est à Baltimore ce que La Comédie humaine est à Paris au 19ème siècle. Les personnages de l'une et de l'autre ont cette même âpreté à la vie, cette même ardeur dans leurs combats. The Wire, ce n'est pas la cité américaine pour les nuls, ce n'est pas du cliffanger à répétitions, c'est un scénario solide, construit ; chaque élément trouve sa place dans une fresque plus large. Dit comme cela, on pourrait croire que cela engendre de la lourdeur. Ce n'est pas le cas, c'est une enquête policière passionnante qui démarre dans la cité de Baltimore Ouest et qui s'étend à toutes les composantes de la ville. Quant aux dialogues, ils sont superbes, caustiques, percutants, du génie ! Par exemple, D'Angelo qui explique les règles des Échecs (garantie sans SPOILERS).
Je conclurais avec les mots de Lester Freamon :
You follow drugs, you get drug addicts and drug dealers. But you start to follow the money, and you don't know where the fuck it's gonna take you.